Chez les Servan-Schreiber, le journalisme est inscrit dans l’ADN. Jean-Louis, le benjamin de la famille, n’a pas échappé à la règle. Après être devenu un homme de presse en Europe, il s’est attaqué au Maroc: directeur de «La Vie Economique», et actionnaire de «TelQuel», il a côtoyé les sphères du pouvoir sans jamais y mettre véritablement les deux pieds.
Comment a débuté votre histoire avec le Maroc ? A-t-elle un lien avec votre épouse, Perla, qui est née à Fès?
J’ai connu le Maroc il y a 65 ans. La première fois que je m’y suis rendu, c’était en 1952, quatre ans avant l’indépendance. J’étais encore enfant. J’y suis allé parce qu’une de mes sœurs avait épousé un garçon d’une famille, de ce que l’on appelait à l’époque, de colons. Il s’agissait de propriétaires terriens français, originaires de Bordeaux, qui possédaient entre autres de nombreuses terres, la bière Stork ou encore la boisson Judor. Bref, une famille très bien implantée au Maroc. J’ai fait avec eux un voyage formidable, ils m’ont emmené en voiture jusqu’à Tafraout. J’ai découvert Agadir, qui n’avait pas encore subi son tremblement de terre, j’ai été saisi, un soir à Taroudant, par l’odeur absolument suave de la fleur d’oranger. À l’époque, ma femme Perla, née à Fès, devait avoir quatre ans. Ce n’est pas là que je l’ai rencontrée. Ensuite je suis revenu plusieurs fois au Maroc. Puis les circonstances ont fait que j’ai acheté, dans le cadre de mon entreprise de presse économique, le Groupe Expansion, la moitié de «La Vie Économique».
Comment avez-vous pu devenir directeur d’un journal marocain, alors que la loi l’interdit formellement?
Effectivement, il y avait un problème juridique. Or, il s’est trouvé que « La Vie Eco » était née d’un journal français basé en France nommé «La Vie française» et qui avait fait une édition marocaine plusieurs années auparavant. Après la disparition de « La Vie française », la publication marocaine est devenue «La Vie Economique». Comme elle avait été lancée par des Français, le journal était considéré juridiquement comme une entreprise française. Dans ce contexte, nous n’étions pas soumis au dahir qui empêche le directeur d’être un étranger. Je bénéficiais en quelque sorte d’un statut d’exterritorialité, ce qui s’est révélé utile.
Propos recueillis par Nina Kozlowski
Lire la suite de l’article dans Zamane N° 88