Jusqu’à une époque récente, le Maroc était pourvoyeur de migrants, vers l’Europe d’abord, puis le Canada et l’Amérique, et depuis peu vers les pays du Golfe. Il s’est doté de structures pour garder le contact avec ses ressortissants, pourvoir à leurs besoins culturels et cultuels, les accompagner aussi dans leurs projets d’établissement ou d’investissements. Or, voilà que le Maroc est devenu récipiendaire. D’abord avec des ressortissants des pays subsahariens qui tiennent le Maroc pour une destination de transit. Mais la plupart, devant la forteresse fermée de l’Europe, finissent par y rester. Le flux s’est enrichi depuis, avec des Syriens fuyant le calvaire de la guerre civile. Le propre du monde moderne est le mouvement migratoire. Il n’y a pas de pays « pur » avec ses autochtones, ou Natives. L’archétype est bien sûr les Etats-Unis. Ce fut une chance là où de nouveaux migrants s’établissent, fuyant la persécution, la précarité, ou qui s’envolent pour l’aventure. Nous ne pourrons que nous réjouir de tous ceux qui pourraient contribuer à l’essor de notre pays. Et, qui sait, si nos lois peuvent évoluer, ils pourraient devenir des citoyens marocains.
Mais cette chance ne peut aller de soi. Il faut une nouvelle politique d’accompagnement, mais aussi quelques vérités, même si cela risque de déplaire. La migration, si elle est le lot du monde moderne, n’est pas la charité. Voire, il ne peut y avoir d’intégration que si on est productif et qu’on contribue effectivement à l’essor du pays. Il est bien sûr recommandé de faire preuve de compassion pour tous ceux qui ont été contraints de quitter leurs pays, pour moult raisons. Mais il est tout autant fondamental de rappeler que si des mesures de compassion peuvent être entreprises, momentanément, avec de la bienveillance, voire du laxisme, cela ne saurait être la règle. L’orientation africaine du Maroc est stratégique. Nous comptons tout autant apporter que bénéficier des potentiels dont l’Afrique regorge. Cette nouvelle politique ne peut se faire sans l’élément humain. L’ouverture ne peut pas se faire que pour les capitaux et les produits, sans l’élément humain. Cela ne fait l’ombre d’aucun doute.
Je ne ferai aucunement mienne la fâcheuse phrase de Michel Rocard, quand il avait dit que la France ne peut recueillir la misère du monde. Nous voulons tout au contraire bénéficier de l’apport de tous ceux qui pourraient contribuer à l’essor de notre pays. Or, on ne peut rien apporter, ni s’intégrer, en se contentant de réseaux de mendicité aux feux rouges. L’Etat marocain pourrait entrevoir des politiques d’intégration, voire d’aide, selon les cas, pour des périodes données, de concert avec la communauté internationale, mais il est fondamental pour les ressortissants de s’organiser dans des associations. Les choses étant ce qu’elles sont, elles ne peuvent être que préjudiciables, aussi bien pour les concernés que pour le pays. L’oisiveté, comme dit l’adage, est mère de tous les vices, et la mendicité est un avatar qui peut faire le lit du vice.
Des mesures courageuses ont été entreprises pour régulariser la situation de migrants subsahariens, et cela pourrait couvrir les migrants syriens, qui ne posent aucun problème sur le plan sécuritaire, et qui ne doivent pas être exclus des mesures de régulation. Des politiques d’accompagnement seraient envisageables, comme celles initiées dans le cadre de l’INDH, avec l’implication de la communauté internationale. Une fois ces mesures prises, la rigueur, voire la fermeté, devraient être de mise. Point de laxisme. Ne pas poser le problème maintenant, c’est l’ajourner. Il deviendra encore plus compliqué. Et ce qui devrait être une chance, risque d’être un boulet. Nous voyons ici et là ce que des jeunes d’Afrique subsaharienne, et d’autres, Syriens, qui, par leur labeur, leur savoir-faire et leur ingéniosité, apportent au pays. On les trouve dans les services, le sport, l’éducation, et dans d’autres secteurs du privé. Ils ont fait du Maroc leur pays d’adoption. S’ils ont réussi, c’est que la réussite est possible pour les autres.
Hassan Aourid, conseiller scientifique de Zamane