Deux ouvrages de Abdellah Laroui, écrits à dix-huit ans d’intervalle, sont intimement liés dans leur façon de mêler vie intérieure et événements historiques.
Curieux paradoxe que celui de la littérature marocaine. Elle s’offre à lire au moins dans deux langues mais cette opportunité en apparence si louable cache mal l’infranchissable mur qui sépare la littérature marocaine écrite en arabe de celle plus communément appelée littérature marocaine d’expression française. Sans doute faut-il imputer cette situation à l’histoire même du Maroc dans lequel les élites ont souvent dû, par l’école, faire le choix d’une langue plutôt que d’une autre. Rarement, nos écrivains, nos penseurs, en un mot nos intellectuels ne sont à l’aise dans les deux langues et l’université, composée de départements autonomes, favorise à son insu cette forme biaisée d’incommunicabilité.
Ainsi, les uns et les autres passent parfois sans s’en apercevoir devant des textes qui pourtant les interpellent, qui viennent dire à leur manière l’histoire contemporaine marocaine, dans une langue ou dans l’autre, recomposant une littérature originale, dont les influences d’origines diverses reconstituent la trame culturelle d’un pays de partage et de rencontre. Fort heureusement la traduction vole parfois au secours des lecteurs monolingues. Quelquefois excellente, elle arrive à faire oublier que c’est dans une langue d’emprunt que nous accédons à des émotions si vraies, si singulières et universelles à la fois.
Par Mustapha Bencheich
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