La guerre d’Algérie est réputée être une guerre sans nom et sans image : une guerre invisible. Pourtant, il existe des films dont la production, la forme et la réception participent de l’histoire et de la mémoire ambiguës de cette guerre.
Ce que l’on voit de la Guerre d’Algérie dans les films français qui lui sont plus ou moins contemporains, c’est le départ solitaire de l’appelé, son absence, son silence quand il revient. Dans Les Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy (1964), le jeune soldat prend le train, seul, un matin de pluie, puis son aimée « oublie jusqu’à son visage » et en épouse un autre. Dans Adieu Philippines de Jacques Rozier (1963), un soldat revient, mutique, puis un autre s’en va, et cette guerre invisible est comme un au-delà, après la solaire traversée de la Corse. Cette guerre, on ne peut ni la dire, ni la voir. L’invisibilité même d’une guerre pourtant française aux yeux des métropolitains crée un gouffre irréparable entre l’appelé et ceux qu’il laisse derrière lui. Alain Resnais, dans Muriel (1963), pose la question en termes plus visuels. Les souvenirs qui font obstacle aux relations normales de Bernard avec sa famille prennent la forme d’images Super-8 qui, littéralement, ne disent rien mais qui, métaphoriquement, figurent la torture et le viol de «Muriel» (le traumatisme de guerre de Bernard). Comme si rien d’autre qu’un bout de désert jaune et une baraque blanche ne pouvait représenter la guerre et ses atrocités. Comme si la vérité de la guerre se situait au-delà de toute possibilité de représentation.
Par Marie Pierre
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