Si sa mémoire s’est estompée, ce n’est pas seulement à cause de sa discrétion légendaire. Inès de Bourgoing, devenue madame Lyautey en 1909, est victime de l’aura de son mari, et probablement aussi de « l’homosexualité » reconnue de celui-ci. Pour autant, son œuvre sociale au Maroc mérite que son nom soit retenu. Surnommée Madame La Maréchale, de Bourgoing est l’instigatrice, entre autres, des premières colonies de vacances dans le royaume…
Fidèle, même au-delà de la mort. Lorsqu’Inès de Bourgoing rend son dernier souffle à Casablanca en 1953, à l’âge de 91 ans, s’est aux côtés de son mari, à Rabat, qu’elle est enterrée. C’est encore auprès de son époux, que sa dépouille est rapatriée à Paris en 1961. Et c’est toujours dans la mort qu’elle est, cette fois, séparée de lui : lui est resté aux Invalides, et elle, sera inhumée à Thorey, fief lorrain des Lyautey.
Inès de Bourgoin semble tout aussi attachée au Maroc que son Maréchal de mari. Elle y passe de nombreuses années même après le retrait du Maréchal en 1925 et sa disparition en 1934. Un lien fort qu’elle doit bien sûr à son époux, mais qu’elle a aussi tissé par elle-même.
Née en 1862, Inès de Bourgoing est d’une lignée de noble, et devient à sa naissance la filleule de l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III (1852-1870). Suivant la coutume de son milieu d’origine, Inès est mariée en 1880 à un officier de haut rang, le capitaine Joseph Antoine Fortoul, avec qui elle a trois enfants. Mais en 1900, ce dernier est mortellement blessé en Indochine avant de trépasser en France. Dès lors, la désormais veuve va entièrement consacrer sa vie à l’assistanat social et médical. Dès l’année suivante, elle est diplômée infirmière et intègre bénévolement la Société de Secours aux Blessés Militaires. En 1907, devenue infirmière-major, elle est envoyée à Casablanca porter assistance aux soldats français débarqués dans la ville. Face à l’impossibilité de les soigner correctement sur place, elle accompagne les blessés à Oran où elle rencontre un commandant de Division, un certain Hubert Lyautey. Si entre eux, la complicité est évidente, leur union civile, en octobre 1909, répond aussi à un intérêt commun.
Par Younes Messoudi
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