Aux antipodes du réalisme, l’œuvre de ce réalisateur tunisien est une véritable fresque cinématographique de «défense et illustration» de la culture, de l’histoire et de la littérature arabo-musulmanes.
Nacer Khemir est une exception en Tunisie. Montrer le monde tel qu’on le voit de sa fenêtre, soulever des questions politiques, sociales ou d’actualité, comme le font les autres réalisateurs tunisiens déjà évoqués dans ces pages (Nouri Bouzid, Mohamed Zran, Ferid Boughedir, Selma Beccar) ne l’intéresse pas. En effet, Nacer Khemir est un cinéaste formaliste, symboliste et perfectionniste, mais non abscons. Dans Bab’Aziz, le prince qui contemplait son âme (2005), la beauté du décor (un désert chatoyant et intemporel), des costumes (créés par Maud Perl) et des plans (lents et contemplatifs) captivent d’emblée le spectateur. Puis c’est l’insolite des situations qui empêche l’attention de jamais se relâcher : Nacer Khemir nous introduit dans un monde qui en recèle ouvertement un autre. Le commencement de Bab’Aziz confronte avec une belle simplicité un jeune chanteur «d’aujourd’hui», en veste et pantalon en jean, au couple étrange de deux «vieilles âmes», venues des profondeurs du désert et de l’Histoire : un vieil aveugle enturbanné et une petite fille pleine de sagesse. Tous trois se rendent à la même réunion soufie, aucun n’en connaît la situation géographique exacte (sauf l’aveugle, mais il est aveugle), et pourtant ils se séparent, laissant le récit déployer ses méandres.
Par Marie Pierre, élève-chercheuse à l’Ecole normale supérieure de Paris-Ulm
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