Avant-gardistes, protestataires, mais surtout talentueux : en chantant l’oppression, les membres de Nass El Ghiwane ont fait entrer la musique marocaine dans une nouvelle ère. Retour sur une légende.
« Chantez ce que vous voulez ; mais que personne ne mange l’ail de votre bouche ». Une phrase typiquement hassanienne, qui permet subtilement au monarque d’encourager, mais également de mettre en garde Nass El Ghiwane contre toute récupération politique. Hassan II le mélomane admire le groupe pour sa musique, mais l’idéologie qu’elle véhicule l’inquiète. Il craint plus l’exploitation de ces paroles contestataires par ses adversaires que le groupe en lui-même, dont il sait que la seule visée est artistique. Jamais le roi ne freinera son ascension, au contraire. Il est bien conscient que Nass El Ghiwane appartient à tous les Marocains. Un mythe national qu’il serait dangereux de vouloir écorner.
Cette anecdote, c’est Omar Sayed qui nous la raconte, parmi bien d’autres, dans le récent beau livre consacré aux «Rolling Stones de l’Afrique». En préface de cet ouvrage illustré par les plus belles photographies du groupe, dont certaines inédites, le cinéaste Martin Scorsese trace un parallèle élogieux mais éculé avec le légendaire groupe de rock américain. La genèse du band de Hay Mohammadi n’a, en réalité, rien de comparable avec celle des autres groupes étrangers. Dans le Maroc pauvre des années 1970, plombé par des années d’autoritarisme politique, la musique a le potentiel de largement dépasser le cadre du divertissement et de ne pas simplement être un tremplin vers la gloire.
Par Sami Lakmahri
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