Avant l’instauration du Protectorat, la notion de nationalité ne figure pas dans le jargon administratif chérifien. À l’époque, il s’agit plutôt de sujets du sultan, d’étrangers et exceptionnellement de protégés. Comment la colonisation a bouleversé le sens juridique et moral de la nationalité au Maroc…
«Appartenance juridique d’une personne à la population constitutive d’un État. Groupement d’individus ayant même origine, ou tout au moins une histoire et des traditions communes. État, condition d’un peuple constitué en corps de nation ; nation considérée dans sa vie propre et individuelle». Telle est la définition de la nationalité proposée par le dictionnaire Larousse. Au Maroc, elle ne s’applique qu’en partie jusqu’en 1830. Mais à cette date, le pays doit fait face à un nouveau voisin puissant et organisé. La colonisation de l’Algérie par la France vient bousculer un ordre ancien où le tracé frontalier n’est qu’une vague délimitation, allégrement transgressée par les tribus de la région orientale. En l’absence de code civil, les habitants du Maroc sont, depuis des siècles, des sujets du sultan. Ils sont surtout réunis sous la bannière de l’islam, qui constitue le ciment du sentiment d’appartenance à une communauté.
Mais l’apparition de ce qu’on appelle aujourd’hui des frontières, va obliger le pouvoir à prendre en compte le statut juridique des individus. De plus en plus dépendant des puissances occidentales, le vieil empire chérifien subit par la même occasion une pression pour adopter les codes de la modernité. Dès la fin du XVIIIème siècle déjà, la multiplication des représentations diplomatiques et consulaires en terre marocaine accélère un phénomène connu mais encore marginal. Il s’agit du statut de protégé, qui confère à un sujet marocain une protection consulaire octroyée par une puissance étrangère.
Par Sami Lakmahri
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