Philanthrope, idéaliste, humaniste et architecte dans l’âme, Reza Deghati, dit Reza, est également un photojournaliste de renommée mondiale, travaillant, entre autres, pour National Geographic. Depuis plus de trente ans, il parcourt le globe, ayant visité plus de cent pays pour documenter les conflits et les drames humains. Ses photographies, puissants témoignages de notre époque, sont publiées dans les grands médias internationaux comme le Time Magazine, Stern, Newsweek, El País, Paris Match et Geo. Elles prennent également vie sous forme de livres, d’expositions et de documentaires produits par National Geographic Channel.
Vous êtes nés en 1952 à Tabriz, dans le nord-ouest iranien. À quoi ressemblait votre enfance ?
C’est une enfance normale dans une ville de province. Mon père était fonctionnaire au ministère du Travail, il s’occupait des Affaires sociales et ma mère s’occupait de ses enfants à la maison. Une ville d’une famille de classe moyenne, en somme. J’étais plutôt bon élève à l’école, souvent premier de ma classe. Grâce à ma grande soeur, j’ai appris l’alphabet très tôt, à quatre ans, alors qu’à l’époque les enfants intégraient le système scolaire à 7 ans. J’avais une longueur d’avance, déjà. Je lisais des petits romans d’auteurs iraniens et parfois, quand on tombait sur des traductions en persan de romans étrangers, c’était la fête.
Comment avez-vous découvert la photographie ?
Vers l’âge de 8 ou 9 ans, j’ai pris conscience de mon attitude vis-à-vis du monde. Pour la première fois, je comprenais que je réagissais aux choses qui m’entouraient. D’abord, quand j’étais exposé à la beauté, à l’esthétique. Ça pouvait être une fleur, ou un nuage. Ça pouvait aussi être l’exposition à, prenons pour exemple, un enfant pieds nus dans la rue. Ça me perturbait et je ne cessais de demander pourquoi il n’avait pas de souliers alors que moi, si. Tout cela m’a mené à comprendre que je n’arrivais pas à m’exprimer correctement avec les mots. J’ai par la suite passé deux ans à essayer d’apprendre à dessiner. Finalement, je me suis rendu compte que je n’étais pas très doué. Puis, à la maison, nous avions un vieux Kodak, de la taille d’une boîte à chaussure. Cet appareil photo, c’était uniquement un boîtier que nous emportions avec nous en vacances pour faire des photos de souvenirs de famille, sans plus. Ce n’était pas un outil d’expression artistique. Moi, personnellement, je ne l’aimais pas beaucoup car je le voyais comme une corvée. À chaque fois que mon père voulait nous prendre en photo, il fallait nous réunir, rester droit, se prendre le soleil dans les yeux, etc. Jusqu’au jour, curieux comme j’étais, j’ai regardé dans le viseur et je me suis vu dedans, et c’était la grande révélation. J’ai couru vers mon père et je lui ai lancé, fièrement : «En fait, on peut photographier ce qu’on veut, pas uniquement les vacances».
Propos recueillis Omar Kabbadj
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