Des maisons qui protègent de la chaleur et des épidémies… Et si pour inventer ces habitats qui répondent aux besoins de notre futur, nous nous inspirions du passé ? C’est le sens de la mission que s’est donnée l’architecte Salima Naji. Depuis plus de 20 ans, celle qui est aussi anthropologue, multiplie les chantiers participatifs autour des architectures collectives sahariennes comme les ksours, et les greniers collectifs afin de valoriser ces ensembles bâtis dans leurs paysages. Imprégnée de la nécessité d’une approche multidisciplinaire, Salima Naji nous explique comment l’éco-architecture d’hier est vitale à notre survie prochaine.
Vous êtes actuellement en Europe où vous participez notamment à des colloques d’architectures. Quels sont les échos que vous avez du Maroc, de son patrimoine architectural et de ses interactions avec d’autres pays dans ce domaine ?
À l’étranger, on comprend mieux mon travail qui est fortement salué parce que la transition énergétique est vraiment engagée dans le pays. Et sans doute mes travaux donnent un éclairage passionnant sur le royaume, entre culture, savoirs spécifiques et dimension humaine exceptionnelle. Cette année, j’ai d’abord été invitée avec d’autres designers ou architectes africainsà la 12ème biennale du design de Saint Etienne, reportée deux fois à cause de la pandémie. Les démarches présentées dans cette exposition sont toutes situées en Afrique et portées par des Africains hors des voies établies, entre «tactique d’adaptation et stratégie de transformation plus globale des territoires». Ce qui était vivifiant était de rencontrer d’autres confrères, évoluant dans des contextes différents mais ayant en commun avec moi le souci de la préservation, le cadre de vie ou la qualité des villes, l’importance de l’environnement. Ma contribution présentait des modes de fabrication et des approches bioclimatiques sur une vingtaine d’architectures, en terre ou en pierre, construites dans le monde rural au Maroc depuis la Cop22 (2016) où nous avons pu amorcer un vrai pas vers l’écologie. C’est très important de rester branché sur la pensée alors que le Covid-19 nous avait enfermés dans nos petits mondes.
Zamane consacre le dossier de ce numéro aux «siècles oubliés», soit la période entre le départ des Romains et l’avènement de l’Islam. Au cours de votre carrière, avez-vous croisé des monuments, constructions ou traces datant de cette époque ?
Faute de fouilles archéologiques précises et complexes à mettre en place, je ne sais pas si j’ai travaillé sur des édifices qui seraient, au moins partiellement, de cette période-là. Mais je sais intuitivement que certaines fondations primitives d’édifices remaniés sont très lointains, car on oublie qu’un lieu d’occupation humaine se fait en plusieurs période d’implantation, il connaît divers moments de croissance. Il y aurait sans doute pour la période que vous mentionnez de nombreux greniers, des sucreries ou encore des ouvrages hydrauliques. Il faut désormais commencer à dater pour avoir des informations plus précises. En tous cas, pour tous mes travaux j’ai toujours fait en sorte d’associer des archéologues, dès que cela a été possible, tout en étant très attentive à toutes les informations, accidents du bâti ou reprises d’œuvres.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
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