S’il n’est pas très connu au Maroc, ce n’est pas le cas aux Etats-Unis et en Israël, ses deux pays. Yossi Klein Halevi est un journaliste et écrivain pas comme les autres. Las du conflit qui déchire le Moyen Orient, l’intellectuel prend le pari d’établir une connexion entre les deux ennemis historiques en confrontant les mémoires de chacun. Venu à Marrakech où Zamane a pu le rencontrer, il nous livre ses impressions sur le Maroc et le rôle qu’il pourrait jouer au Moyen Orient. Il nous raconte aussi l’incroyable révolution des Marocains d’Israël, leurs sensibilités politiques et la place qu’ils occupent désormais au sein de l’Etat hébreu. Yossi Halevi témoigne enfin de l’engouement inattendu autour des exploits de la sélection marocaine de football en Israël, il nous confie ses doutes et ses espoirs pour un avenir plus apaisé…
C’est votre premier voyage au Maroc ; quelle est l’image et peut-être les clichés que vous avez apportez avec vous sur le royaume ?
L’association immédiate qui me vient à l’esprit est relative à l’expérience des juifs marocains vivant en Israël. J’ai aussi en tête au moment de venir ici les accords d’Abraham, signés en décembre 2020, et qui normalisent la relation entre les deux pays. Ce que je sais de mes compatriotes originaires du Maroc, c’est qu’ils n’ont pas eu un parcours facile. Leur intégration a mis du temps et a été, au début, vraiment difficile. À cette époque, le pays ne repose que sur une base séculaire d’un parti travailliste socialiste très majoritairement tenu par des Ashkénazes (Juifs originaires d’Europe centrale et orientale, ndlr). Cette situation a fait que les mizrahims (appellation donnée aux juifs venus d’Orient) ont été victimes de discrimination tant sociale, politique que culturelle. Ainsi, les juifs venus de pays arabes, essentiellement du Maroc, ne correspondaient pas à l’image idéalisée du colon israélien installé dans un kibboutz, village colonial organisé autour d’exploitations agricoles. Je ne connais aucun Marocain installé dans un kibboutz car ce mode de vie et cette idéologie ne font pas partie de leur identité. Les juifs marocains véhiculent l’image d’une communauté traditionnaliste, patriarcale. Une identité qu’ils ne retrouvent pas du tout à leur arrivée en Israël où, il faut le dire, la société n’a été ni accueillante ni tolérante envers eux. Heureusement, la situation a bien évolué depuis.
De quelle manière étaient-ils discriminés ?
La discrimination des Marocains en Israël est pour moi d’abord de l’ordre culturel. Je vous donne en exemple la musique. L’essentiel du répertoire musical produit en Israël était d’origine mizrahim, pourtant aucune de ces chansons n’était diffusée à la radio ou à la télévision. Je me souviens que pour s’en procurer, il fallait quasiment acheter les cassettes audio sous le manteau dans un quartier de Tel Aviv. Personne ne parlait de musique israélienne. Aujourd’hui, c’est cette même musique qui est diffusée, à 90%, sur les ondes du pays.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
Lire la suite de l’interview dans Zamane N°146