Une atmosphère sous tension pour l’adoption du PLF 2020. Mis en cause, l’article 9 sur la saisie des biens de l’Etat et des collectivités locales, qui ressort un vieux débat sur lequel avait pourtant tranché le gouvernement Youssoufi en 1998…
Gestation mouvementée pour le projet de loi de finances (PLF) de l’année 2020. La cause, une phrase de l’article 9 de ladite loi : « Les biens et les fonds de l’Etat ne peuvent, toutefois, faire l’objet de saisie (malgré la prononciation d’un jugement) ». Une disposition qui n’a pas tardé à susciter les tensions, que ce soit au sein du parlement ou au gouvernement. Et pour cette année, une première, c’est aussi la justice qui a son mot à dire sur le sujet, en raison du lien intime de cette disposition avec les procédures d’expropriation qui, souvent, durent plusieurs années. Club des magistrats du Maroc, avocats et anciens bâtonniers se sont unis pour dénoncer cette nouveauté visant à protéger les biens de l’Etat face aux exécutions des jugements contre l’Etat. Pour sa part, le gouvernement défend bec et ongles la nouveauté de l’article 9. Même chose pour le PJD, détenteurs de la plupart des grandes communes et dont les présidents se frottent les mains face à cette décision. Argument mis en avant : la continuité du service public. Dans l’autre camp, au PAM comme à l’Istiqlal, on met en avant le principe constitutionnel de la justice pour tous, s’appliquant aux citoyens comme à l’Etat. À ce sujet, le ministre de l’Economie et des Finances Mohamed Benchaâboun, porteur de la réforme, a précisé que cette mesure devrait être accompagnée par une autre interdisant à l’Etat et aux collectivités territoriales de procéder à l’exécution d’un éventuel programme d’investissement sur des terrains, dont la procédure d’expropriation n’a pas été achevée. Un débat assez particulier mais qui ne date pas d’aujourd’hui. En 2015, le sujet avait été prudemment abordé avant d’être mis aux oubliettes. Et, plus loin encore, en 1998 déjà, sous le gouvernement d’alternance, l’introduction de cette disposition avait été également mise sur la table. Face à la polémique, dans une correspondance adressée aux membres du gouvernement, le premier ministre Abderrahmane Youssoufi avait été on ne peut plus clair : toute volonté, assumée ou non, de ne pas respecter les jugements rendus par les tribunaux ne pourrait être considérée que comme « un outrage à la justice » qui tombe sous le coup de la loi. Dans sa lettre, le leader socialiste ajoutait que les jugements définitifs devaient être respectés, et qu’en cela il faut y voir une forme de respect à l’institution de la justice. Une décision sage, ayant permis toutefois de clore le sujet pour plusieurs années avant qu’il ne soit déterré aujourd’hui…