Ce témoignage d’une cérémonie reprenant les codes de la bey’a nous vient du début du XXèmè siècle, lors des premières années du Protectorat.
Nous savons que le Protectorat a essayé, autant que possible, de composer avec la qai’da, c’est-à-dire la tradition. Les autorités coloniales ont respecté les us du Makhzen, conformément au traité de Fès de 1912. C’est à deux écrivains, invités par Lyautey lui-même, que nous devons une description d’une des fêtes religieuses, dont le cérémonial a été repris pour la fête dite d’allégeance, et qu’on appelait du temps du Protectorat cérémonie de loyalisme. Il s’agit des frères Jérôme et Jean Tharaud, dans leur ouvrage Rabat ou les heures marocaines (1918).
Les auteurs décrivent avec menus détails le dispositif des dignitaires et des soldats dans l’attente de la cérémonie de la fête de fin du mois de ramadan qui se tenait l’après midi (la prière se fait le matin bien sûr, avec un cérémonial spécifique). Les soldats faisaient la haie, et derrière eux s’alignaient les cavaliers en burnous. Dans l’ombre de la muraille rouge, «les vizirs et les secrétaires attendaient sur leurs mules bâtées de hautes selles amarantes». Quand le Sultan apparaît, à cheval (c’est toute la différence avec les dignitaires sur leurs mules), il est précédé par le Maître du Palais, ou caïd Mechouar, «la carabine au poing et qui porte sur la tête un merveilleux turban roulé autour de son bonnet pointu comme une énorme toupie».
En avant la musique
Puis vient la description de la cérémonie : «Venaient derrière au pas, tenus en main par les serviteurs à pied, six chevaux dont les étriers et les selles posés sur de nombreux tapis se devinaient sous les housses. Suivaient deux autres cavaliers, porteurs de longues lances à la pointe d’argent doré (mzarguiya). Puis le Maître des Ecuries (caïd Rrwa) vêtu d’un caftan émeraude, adressa au passage, d’une voix retentissante, aux vizirs et aux secrétaires toujours rangés sous la muraille le salut de Sa Majesté : « Salut à vous, vous dit mon Maître ». A droite et à gauche du Sultan, quatre serviteurs à pied avec des serviettes blanches qu’ils déploient. Un autre, derrière le Sultan, tenait au-dessus de sa tête le parasol de velours vert, insigne de la toute puissance». La musique se met en branle, en un mélange de la musique du cru, avec les cuivres et les tambours de la Garde impériale et «nos airs militaires, au pied de ces murs». A côté de cette musique martiale, une autre se met en branle par «d’autres musiciens, vêtus ceux là de tuniques jonquilles, violettes, amarantes, oranges…» ( al khamsa wa al khamsin).
Par Hassan Aourid
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