Du XVIIe au XIXe siècle, un trait commun caractérise les rihlas de voyageurs marocains : si leur récit regorgent d’admiration pour les technologies qu’ils découvrent en Europe, ils n’en sont pas moins convaincus qu’il s’agit de l’œuvre de mécréants à ne surtout pas imiter.
Quelle portée peuvent avoir les récits de voyages effectués par des dignitaires du Makhzen en Europe du XVIIe au XIXe siècle ? Nous savons qu’aucun de ces écrits, qui sont d’ailleurs peu nombreux, n’a eu d’influence dans les arcanes du Makhzen, ni d’impact sur la société, à peine si on les a recopiés. Aucun de nos chroniqueurs n’a pénétré le monde européen, qu’ils ne voient qu’à travers le prisme religieux, pour le saisir et le comprendre.
Ces voyageurs, tout en s’émerveillant devant les performances technologiques et scientifiques des Européens, les rejettent, car « la vie matérielle ne vaut chez Allah l’aile d’un insecte ». Aucun ne peut se hisser au niveau du Japonais Fukuzawa Yukishi, dont la rencontre avec l’Autre, l’Amérique en l’occurrence, a été l’occasion d’un grand travail de traduction, voire de modernisation de la langue japonaise, ni même celui de l’égyptien Rafaa Tahtaoui. On sait que ce dernier a initié un mouvement de pensée, qu’il s’est investi dans la traduction et avait jeté les premiers jalons de la presse dans son pays. Au cours de son long séjour en France, il avait appris la langue française et compris le sous-bassement philosophique du progrès européen qu’il avait restitué dans son célèbre ouvrage Le récit de Paris (Takhlis al ibriz, fi talkhis akhbar bariz).
Par Hassan Aourid
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