Pour enterrer la hache de guerre et pactiser en paix, après avoir été en situation de conflit, des tribus marocaines recouraient à un moyen intelligent et hautement persuasif : le partage du lait maternel.
Comme chacun sait, dans le Maroc précolonial, société à État traditionnel dépourvu d’une puissante organisation centralisatrice, le Makhzen lutte sans relâche pour assujettir l’ensemble du pays et les tribus qui lui résistent farouchement. Au niveau tribal, notamment à l’intérieur des régions non soumises au pouvoir makhzenien, la résolution des conflits interindividuels et intergroupes ne s’effectue pas toujours par les armes. Pour régler une situation conflictuelle, les tribus utilisent également des moyens pacifiques, au premier rang desquels se place taḍa. Nom d’action féminin, taḍa veut étymologiquement dire en amazigh «allaitement collectif» ou «colactation». Il dérive non pas de la racine tḍ, comme on peut le croire, qui fournit le verbe tteḍ (téter) et les dérivés asutteḍ (allaitement) et amsuttaḍ (allaitement réciproque), mais de la racine dḍ, qui donne le verbe ddeḍ (téter) et le substantif uḍuḍ (action de téter, succion). Par extension, taḍa signifie un pacte bilatéral établi au moyen d’un ensemble de pratiques et croyances ou représentations qui lui confère un caractère fraternel et sacré, destiné à maintenir l’équilibre intra et intertribal en protégeant les individus, les groupes et leurs biens matériels contre les convoitises, les menaces et les agressions extérieures. Néanmoins, de toutes les pratiques rituelles afférentes, une seule fera l’objet de la présente contribution, à savoir la consommation par des hommes d’un repas contenant du lait de femmes.
Par Hammou Belghazi
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