Ils étaient à peu près 8800 avant que l’armée russe ne mène une offensive militaire sur l’Ukraine le 24 février dernier. Les étudiants marocains établis dans ce pays secoué par la guerre ont pour la plupart quitté le territoire. Mais que font-ils si nombreux dans un pays si lointain. Pour comprendre ce circuit surprenant, il faut remonter à l’indépendance du Maroc…
La présence de Marocains en Ukraine, et plus globalement dans les pays de l’Est, est due à la Guerre Froide. Un conflit qui s’est brutalement réchauffé depuis l’offensive de l’armée russe en Ukraine. À l’instar des autres étrangers établis dans ce pays, la communauté marocaine a été prise de court par l’initiative du Kremlin le 24 février dernier. La gestion de l’évacuation des ressortissants nationaux a fait l’objet d’un bilan présenté par le chef de la diplomatie marocaine le 3 mars dernier. Nasser Bourita s’est satisfait que le royaume soit «l’un des rares pays ayant constitué des équipes sur le terrain, au niveau des frontières des pays proches de l’Ukraine, et qui ont veillé sur l’opération de traversée des Marocains et la programmation de vols spéciaux en peu de temps». Une implication qui aurait permis d’évacuer la grande majorité des ressortissants marocains sans encore que leur nombre soit dévoilé de source officielle. Si aujourd’hui la montée des tensions dans le monde prend une tournure militaire, l’affrontement entre les deux blocs historiques s’est surtout joué sur le terrain de l’influence idéologique. Et dans ce registre, l’URSS et l’Occident ont mis en œuvre des plans pour attirer les étudiants étrangers. L’Union soviétique s’est montrée particulièrement attentive aux jeunes marocains dès l’indépendance du royaume en 1956. C’est durant cette même année qu’est signé, entre Rabat et Moscou, un premier accord de coopération économique et technique. Une convention qui profite de la sympathie du gouvernement de gauche de Abdellah Ibrahim pour le monde socialiste. Le premier contingent d’étudiants marocains débarque ainsi dans l’URSS et ses pays satellites dont l’Ukraine. Le sociologue Kamal Mellakh s’est penché sur l’histoire de ce circuit dans un article «La formation des étudiants marocains dans les pays de l’Est de l’Europe (1960-2015)» paru dans la Revue européenne des Migrations Internationales en 2016. Il explique que les dirigeants politiques marocains «veulent se défaire de la tutelle occidentale et en particulier de la France qui accueille déjà la majorité des étudiants marocains. Ils veulent confirmer le nouveau statut du Maroc indépendant». Durant la Guerre Froide, les motivations d’un contingent estudiantin en URSS et en Ukraine sont donc essentiellement de nature politique. D’ailleurs, ces séjours d’étude passent généralement par des syndicats ou l’UNEM (Union Nationale des étudiants Marocains) marquées à gauche. Mais le monde change en 1991 avec l’effondrement du bloc socialiste. Pour autant, le circuit ne se tarit pas. Le sociologue marocain explique qu’après cette date «des formations payantes au sein même des universités d’État qui a attiré les étudiants marocains et leurs familles, au point que tout un marché local d’envoi des étudiants vers la Russie et les autres pays de l’Est s’est développé. Ce marché dispose de ses propres agents et courtiers qui servent de relais pour faciliter la migration. D’anciens lauréats se sont transformés en intermédiaires». En Ukraine notamment, les étudiants investissent principalement les filières des études de médecine et de pharmacie. Parfois décriées et jugées moins prestigieuses que celles menées dans d’autre pays occidentaux, les études dans les pays de l’Est et en Ukraine demeurent une filière importante pour les jeunes marocains. À voire si avec la guerre, cette filière a des chances de se relancer, une nouvelle fois…