Abdelaziz Bennani est aujourd’hui aimé de tous. Pourtant, tout au long de son parcours, il n’a pas manqué d’ennemis. Membre influent de l’UNEM, avocat des accusés lors des grands procès de l’ère Hassan II, puis parmi les fondateurs du mouvement des droits de l’homme au Maroc, son militantisme n’était pas de tout repos. Pour Zamane, il revient sur une carrière riche et mouvementée.
Vous faites partie de la première génération d’avocats après l’indépendance. Comment vous êtes-vous orienté vers ce chemin ?
J’ai eu la chance de naître dans une famille qui a tôt fait de scolariser ses enfants. Je suis né en 1939 à Fès, à une époque où rejoindre l’école était vraiment considéré comme un privilège. Mon père était menuisier, et j’ai toujours admiré cette capacité à pouvoir créer des objets de ses propres mains. Malgré tout, j’ai rapidement privilégié un métier plus cérébral. Au départ, lors de mes années passées au fameux collège Moulay Driss, je me suis d’abord distingué dans les matières scientifiques, en particulier en mathématiques. Mes professeurs m’ont encouragé à engager des études supérieures dans ce domaine, mais après réflexion, j’ai décidé de me lancer dans un cursus de droit. C’est un choix qui n’est en fait pas improvisé. Je pense que je couvais déjà un besoin de lutter contre l’injustice. Comme tout le monde, j’étais un fervent soutien de l’Istiqlal à la fin du Protectorat. Mais ma conscience politique penchait déjà clairement à gauche. C’est ainsi que je me suis reconnu dans l’aile gauche du parti, qui a pris ses distances avec l’idéologie conservatrice de l’Istiqlal.
Comment se manifeste votre militantisme à cette époque ?
Lorsque j’obtiens mon baccalauréat en 1959, je m’investis en parallèle au sein de l’UNEM. J’ai encore en mémoire l’une des premières actions militantes que j’ai eu à mener avec d’autres camarades. J’étais alors le secrétaire général de la section de Rabat. C’était pendant l’été 1960, en soutien au combat mené par Patrice Lumumba au Congo. Nous avons, et c’est un fait inédit dans l’histoire du Maroc, organisé une manifestation dans l’enceinte même du palais royal de Rabat. Nous avons été autorisés à mener cette action après des négociations avec un responsable du protocole qui s’est présenté comme un délégué de Mohammed V. Etant donné que la cause anticoloniale était chère au roi, nous avons donc pu nous exprimer comme nous le souhaitions.
Propos recueillis par Sami lakmahri
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