Envoyé en mission pour participer à la réforme de l’armée marocaine, Léopold Justinard, arabophone, se retrouve à commander des Amazighs, qui parlent le tachelhit. En apprenant cette langue de tradition orale, Justinard plonge alors dans un univers qui le fascine et dont il sera l’un des seuls défenseurs.
On le surnommait « capitaine Chleuh ». Léopold Justinard, né en 1878 dans l’Est de la France, a été l’un des plus grands spécialistes de la langue et de la culture tachelhit. Comme de nombreux hommes à cette époque, c’est à la faveur d’une carrière militaire entamée à Saint Cyr, qu’il découvre le Maghreb. L’Algérie d’abord, dans la province de Constantine où, dès 1902, il passe neuf ans aux côtés des tirailleurs algériens. Sur place, le jeune homme, déjà anglophone et germanophone, apprend l’arabe avec un kabyle, qui officie à la mosquée de Sidi Soufi de Bejaïa. En deux ans, il maitrise parfaitement le dialecte algérien et l’arabe littéraire. Au point de donner à son tour des cours d’arabe aux sous-officiers de Constantine. Doué pour les langues, ses supérieurs lui prédisent un brillant avenir. Puis, «irrémédiablement attiré par le Maroc, cet Empire pas si fortuné mais si voisin et enjeu de toutes les puissances européennes du moment, il se porte volontaire pour intégrer la mission militaire chargée par le nouveau sultan Moulay Hafid (1908-1912) de réformer son armée», relate Rachid Agrour, chargé de recherche à l’IRCAM (Centre des Études Anthropologiques et Sociologiques) à Rabat. L’occasion pour ce fringant militaire d’aller sur l’un des derniers terrains « où les cours des académies de guerre peuvent être appliqués à échelle réelle ».
Par Nina Kozlowski
Lire la suite de l’article dans Zamane N°100 (mars 2019)