Le 7 février 1923, il y a exactement un siècle, se tient à Alger une conférence censée évoquer, pour la première fois dans un cadre officiel, le cas de la frontière entre le département algérien et le Protectorat marocain. Bien que les participants soient tous Français, les camps divergeaient déjà…
Nous sommes en février 2023, les relations entre le Maroc et l’Algérie sont rompues, et le royaume mise l’essentiel de ses efforts diplomatiques sur la cause du Sahara. Des problématiques apparues et débattues il y a un siècle, alors que les deux pays étaient tous deux sous le giron d’une même autorité, celle de la France. Mais tout comme aujourd’hui, cette question divise et voit s’affronter deux camps qui incarnent, déjà, les intérêts du Maroc et de ceux de l’Algérie. Plus au sud, une autre entité coloniale est impliquée puisque l’AOF (l’Afrique Occidentale Française) englobe les territoires limitrophes du Sénégal, du Niger et de la Mauritanie. À cela, il faut ajouter la souveraineté espagnole sur la région du Rio De Oro (Oued Addahab) au sud du Maroc. Une complexité institutionnelle expliquée par l’historien français Olivier Vergniot dans son étude «Tindouf, un point d’équivoque 1912-1934 (1986)» où, dit-il, «l’Algérie dépendait du ministère de l’Intérieur, le Maroc du ministère des Affaires étrangères et la Mauritanie de celui des Colonies, le ministère de la Guerre ayant bien sûr voix au chapitre ainsi que la présidence du Conseil». Et si ce vaste espace saharien pose problème aux différentes juridictions coloniales, c’est en partie à cause de l’hostilité que leur vouent quelques unes des tribus qui nomadisent sur le territoire.
Les différentes armées se demandent alors quelles sont les zones dans lesquelles elles peuvent agir contre les groupes considérés comme ennemis. Dès les années 1910, des tensions apparaissent déjà à ce sujet -surtout entre autorités algériennes et marocaines- au point de susciter l’inquiétude de Paris. C’est ainsi qu’il est décidé d’organiser une conférence où la gestion militaire et administrative du Sahara Occidental et d’une partie des confins maroco-algériens. Elle se tient finalement dans la ville d’Alger le 7 février 1923. Olivier Vergniot dit à son propos que «le premier principe posé à la conférence fut d’un optimisme indépassable: abolition de toute cloison étanche entre les circonscriptions limitrophes d’Algérie et du Maroc. Lyautey et Théodore Steeg, gouverneur général de l’Algérie, portaient tous leurs espoirs sur l’entente personnelle et directe. Quant à la police du Sahara occidental, grande mission pour les années à venir, elle fut l’objet d’un consensus qui laisse encore rêveur». D’autant qu’avec la «pacification» longue et difficile au Maroc (voire dossier de ce même numéro) repose avec acuité la porosité de la frontière entre l’Algérie et le Maroc. Un flou qui demeure après l’indépendance que ni une guerre (des Sables en 1963) ni des négociations au sommet des deux Etats ne sont parvenus à régler…un siècle plus tard.