Héritier de la réputation des grands bandits d’autrefois, Mohamed Azzou, alias Boulouhouch, est le dernier à entrer dans le panthéon des brigands ennemis du makhzen. Qui est-il, sa légende est-elle justifiée ?
Une réputation de monstre dévoreur de fauves, une longue cabale suivie par une spectaculaire chasse à l’homme, des moyens policiers hors normes. Lorsque Mohamed Azzou se rend aux autorités le 22 octobre 1996, le Maroc respire. La région d’Ifrane surtout, croit s’être débarrassé d’une menace sécuritaire digne de bled Siba. Mais qu’en est-il réellement ? Mohamed Azzou est originaire du paisible village d’Aït Bouazza dans la province d’Ifrane au Moyen Atlas. Il est né en 1963 d’une modeste famille de cultivateurs. Au contact de la forêt dense aux alentours, Mohamed Azzou se passionne très tôt pour le gibier et la chasse. C’est auprès des gardes forestiers qu’il apprend dès son adolescence à maîtriser l’environnement hostile de la forêt. Une connaissance qui lui servira plus tard et qui contribue certainement à sculpter la légende de Boulouhouch (que l’on peut traduire par le maître des fauves). Dans la seule interview qu’il accorde à la presse (l’ancien hebdomadaire La Gazette du Maroc) en 2003, Azzou qui purge sa peine de perpétuité à la prison centrale de Kénitra, affirme que l’origine de son incroyable histoire remonte à une relation qu’il aurait entretenue avec une cheikha (chanteuse populaire) de la région. Toujours d’après lui, cette femme lui a été contestée par un gendarme influent de la province. La première rivalité avec l’autorité débute donc à ce moment précis. Pendant l’année 1990, un vol mineur est commis dans les alentours du village. L’homme est immédiatement suspecté et finit derrière les barreaux pour une durée de cinq ans. Mohamed Azzou maintient la thèse du complot contre sa personne.
Après sa libération, il nourrit un fort sentiment de rébellion alimenté par l’acharnement qu’aurait subi sa famille. L’engrenage est inévitable. Le point de non retour est atteint au début de l’année 1996 lorsque Mohamed Azzou est à nouveau suspecté de vol. Cette fois, l’affaire est plus grave puisqu’il est accusé par la gendarmerie de leur avoir dérobé un fusil. Le suspect prend la seule décision qui s’impose à ses yeux ; la fuite. C’est la naissance de la légende Boulouhouch. Selon les autorités, Mohamed Azzou rejoint des hommes cachés dans la forêt près de la localité d’Immouzer. Lui prétend qu’il fait à ce moment précis la connaissance de vrais malfrats connus dans la région comme étant la bande d’un certain Driss Amakhchoum. Azzou pense même savoir comment est né le mythe qu’il incarnera toute sa vie, celui de Boulouhouch : «Je suis resté un an dans la forêt, caché et c’est là que je suis tombé sur Driss et sa bande. Quand j’étais dans la forêt, n’importe quel crime m’était imputé. Les gens volaient et disaient que c’était Boulouhouch. Ils agressaient les touristes et laissaient des bouts de papiers signés Boulouhouch». L’affaire prend tout d’un coup un retentissement national. Le mythe du dévoreur de fauve s’impose comme une évidence dans l’imaginaire collectif du fait de la cabale dans la forêt avec tout ce que cela comporte comme moyen de survie. Face à la pression, Azzou finit donc par se rendre en octobre 1996. Il résume son destin à un homme modeste, piégé par des forces qu’il ne peut combattre. Un scénario qui s’avère finalement bien plus probable et qui renseigne sur la nouvelle réalité du Maroc contemporain, bien loin de l’image des bandits tout puissants d’un autre temps.