Il est, de l’avis du milieu, le «père» de l’art contemporain marocain et l’un des artistes peintres marocains les plus influents de sa génération. Son enfance et sa jeunesse sous le Protectorat espagnol, son ouverture à l’art, sa formation à l’étranger et son retour au Maroc, etc. Mohamed Melehi, du haut d’une carrière riche de 60 ans, se livre pour Zamane…
Vous êtes la tête d’affiche d’une exposition à grand succès qui met en perspective vos 60 ans de carrière. Comment percevez-vous ce coup de projecteur ?
Je dois avouer, et ce n’est pas parce qu’il s’agit d’une exposition de mes œuvres, que c’est la première fois que je suis aussi admiratif d’une telle organisation. Que ce soit l’installation, la programmation, le choix des œuvres, cette rétrospective est une occasion unique pour présenter l’art contemporain à un public plus large que d’ordinaire. À ce sujet, il faut saluer l’effort de communication fourni par les organisateurs. L’autre aspect, qui est pour moi tout aussi important, est la publication d’un beau livre en marge de l’exposition. Cet ouvrage, réalisé en un temps record, permet de garder une trace durable de l’évènement, contrairement à un simple dépliant qui disparaît en même temps que l’exposition. Je suis également heureux que les portes de cette exposition soient ouvertes aux plus jeunes, des visites ont été organisées pour les élèves.
L’art marocain est-il un domaine réservé à l’élite ?
Cette question universelle mérite réflexion. Oui, l’art est souvent une affaire d’élite, ne serait-ce que parce qu’il n’est pas accessible à tous. Si tout le monde ne peut pas comprendre, tout le monde peut regarder et s’émouvoir devant des œuvres d’art. En 1969, à l’époque où il n’existait pas de galeries au Maroc, nous avons organisé une exposition exceptionnelle sur la place Jamaâ El Fna de Marrakech. Le public venait voir les toiles et écouter les artistes parler. La bourgeoisie et les gens dits « instruits » ne s’attardaient pas face à l’exposition. Ils ne comprenaient pas comment nous pouvions accrocher des toiles dans l’espace public, les soumettant ainsi à la rue et aux intempéries pendant dix jours y compris la nuit. Cette mise en scène était en réalité voulue pour justement démystifier les œuvres d’art. Il faut savoir qu’à l’époque, en l’absence de galeries, toutes les expositions se tenaient dans les halls d’hôtel. Ces lieux sont réservés donc aux touristes étrangers et aux Marocains fortunés. Avec mes camarades du groupe de Casablanca, nous avions voulu dénoncer cette réalité et signifier au ministère de la Culture, qui venait d’être créé, que l’accès à l’art est un droit pour tous.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
Lire la suite de l’article dans Zamane N°102 (mai 2019)
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