D’où vient l’expression de la violence chez nos concitoyens ? Comment est-elle nourrie, qu’elles en sont les causes et les conséquences ? le professeur Driss Moussaoui, psychiatre de renommée mondiale, se penche pour nous sur un phénomène incontrôlé et inquiétant. Diagnostic sans détour.
En tant que psychiatre, pensez-vous que les manifestations de violence chez les individus soient exclusivement les conséquences de la nature de la société dans laquelle ils évoluent ? Quelles peuvent êtres les autres raisons de l’usage de la violence chez certains individus ?
Car il n’existe d’être humain que social, cela fait partie intégrante de chaque individu. Cette composante consubstantielle est faite de son statut familial et professionnel, de sa culture, dont la religion, de son environnement géographique, architectural et autres. Dans chaque décision individuelle, il y a du social, quelle que soit la partie prenante dans la violence: l’individu violent, la victime, l’autorité policière, judiciaire…Un grand nombre de prisonniers mineurs de la prison Oukacha à Casablanca m’ont dit avoir tué sous l’effet du «karkoubi» (comprimés psychodysleptiques). Faut-il y voir la responsabilité individuelle de celui qui a pris une drogue et dont il sait l’effet désinhibant par rapport à la violence, ou faut-il incriminer tous les déterminants sociaux préalables au geste: l’échec scolaire, la pauvreté, le chômage, la violence conjugale entre parents ?
Il y a certainement des deux dans la genèse de l’acte violent. En tant que psychiatre, je peux dire que la maladie mentale criminogène est très rare, quand elle est bien prise en charge par la famille et par l’équipe soignante, et quand n’intervient pas dans le processus une drogue, en particulier l’alcool. Plusieurs phénomènes font particulièrement problème actuellement au Maroc : la violence contre les femmes, dont le viol et l’homicide, la violence des stades et la violence des protestations sociales. Les forces de l’ordre ont appris à retreindre la force publique dans les affrontements violents, mais il y encore du chemin à faire pour plus de dialogue et moins de coups de bâton et de peines de prison.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
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