Bien avant l’explosion de l’affaire dite du « Dahir berbère » en 1931, qui a permis au nationalisme marocain naissant de se dresser face au régime colonial français, le Protectorat entreprend de théoriser la particularité du «fait berbère» au Maroc. Une manœuvre de propagande intellectuelle expérimentée d’abord en Algérie…
«Les Berbères de race pure sont très peu pratiquants» ; «ils ne prient presque jamais»; «les fêtes religieuses sont seulement pour eux des occasions de faire bombance»; «l’idée essentielle dont il faut se pénétrer est que le peuple n’est pas arabe». Tels sont les propos que les théoriciens du Protectorat tentent de semer dans leurs livres et autres publications «scientifiques». L’idée est de faire des populations amazighes une spécificité, voire une anomalie dans ce Maroc dont l’identité ne serait rattachée qu’à l’arabité et à l’Islam. Contrairement aux idées reçues, les autorités du Protectorat n’ont pas attendu le début des années 1930 pour imposer une séparation ethnique des populations marocaines. Une action qui vise en premier lieu un affaiblissement politique et militaire du Maroc hostile à la présence française. Car malgré la signature du Traité de Fès, qui officialise l’avènement du régime du Protectorat sur l’empire chérifien en mars 1912, plusieurs confédérations tribales, dont de nombreuses amazighes, continuent de lutter contre la colonisation. Une guerre menée par les Français sous le sigle de la «Pacification» et qui va demeurer jusqu’en 1934. En parallèle de l’action militaire, la Résidence générale cherche d’autres leviers pour diviser les populations qui lui sont hostiles. La «politique berbère» n’est en réalité pas une innovation. La France l’a déjà expérimentée en Algérie, dont elle est maîtresse depuis 1830. À l’est, elle est dirigée vers les populations kabyles qui peuplent majoritairement la région éponyme.
Par Sami Lakmahri
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