Alors qu’il est lui-même devenu la proie des appétits coloniaux, le Maroc assiste impuissant à la conquête par la France de sa zone d’influence sahélienne. Comment le vieil empire chérifien a-t-il réagi face à cette menace qu’il considère déjà comme une atteinte à son intégrité territoriale ?
Usé par le pouvoir, la crise économique, la maladie et les menaces étrangères sur son royaume, le sultan Moulay Hassan Premier voit, en prime, défiler à sa cour un cortège de doléances. En cette fin du XIXème siècle, des émissaires venus de la région saharienne implorent le monarque d’intervenir face à la conquête militaire de l’armée coloniale française. Mis face à ses obligations de chef religieux de la région, le «Commandeur des croyants» mesure pourtant l’ampleur du problème qui se dresse face à lui. Soit une armée moderne qui agit comme un rouleau compresseur sur toute la zone et que rien ne semble pouvoir arrêter, pas même le sultan du seul territoire encore indépendant de la région. Car depuis la conquête de l’Algérie par la France en 1830, c’est tout le Sahel qui entre dans le viseur de l’expansion coloniale. Une entreprise qui peut toutefois interroger. Quels sont les intérêts stratégiques d’occuper un si vaste territoire, qui nécessite des efforts colossaux, ne serait ce que pour y déployer une logistique d’occupation ?
Au milieu du XIXème siècle, la question se pose dans les salons diplomatiques de Paris. André Martel, historien et fin connaisseur de la présence française en Afrique du Nord, dans son étude «Pour une histoire du Sahara français» (publiée dans la Revue française d’histoire d’outre mer – 1968), rappelle comment était alors perçue la région : «Vers 1840, le Sahara se définissait comme le pays des gens de la tente : cavaliers éleveurs de petit cheptel des steppes maghrébines et, plus au sud, grands nomades chameliers. Les uns et les autres constituaient des tribus qui, se réclamant de filiations patrilinéaires ou matrilinéaires communes».
Par Sami Lakmahri
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