L’islam marocain a longtemps cohabité avec les diverses influences arrivées d’Orient et d’ailleurs. Mais certaines de ces vagues furent (et continuent d’être) plus dangereuses que d’autres.
Le discours sur un islam marocain distinct revient aujourd’hui avec force, dans un contexte de restructuration du champ religieux et de confrontation des interprétations. Derrière le débat religieux, il y a le politique et le culturel. Ce qui est certain, c’est que l’islam populaire marocain ne s’est pas fait du jour au lendemain. C’est une construction. À côté des rites (malikisme, acharisme, etc.), il s’est produit une adaptation progressive aux traditions locales, y compris les anté-islamiques, qui ont justement contribué à la diffusion de l’islam au sein de populations peu alphabétisées et arabisées. Ironiquement, c’est cette cultualisation qui sera régulièrement mise à l’index, en étant taxée d’hérétique. Il a donc fallu que la religion nouvelle descende de son piédestal, se frotte à l’existant et se fonde dans le paysage local, au point de muter ou presque en version marocaine. Mais le mouvement ne s’est pas arrêté. Les vents soufflant de l’Est ont continué de balayer les terres d’al-Aqsa. Au-delà des rites fondateurs, qui ont poursuivi leur «marocanisation», cet islam local et populaire a toujours été confronté à des influences extérieures, qui ont parfois affecté les élites politico-religieuses du pays. Deux furent particulièrement marquantes : la vague wahhabite, née dans la péninsule arabe au XVIIIème siècle, et dont l’influence se fit sentir jusqu’au palais (le sultan Moulay Slimane) ; et le salafisme moderne ou éclairé (oui, un oxymore) né au sein du mouvement national durant le protectorat, et dont l’épicentre véritable se situait dans l’Egypte des années 1930.
Par Karim Boukhari
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