Oui, il existe bien un islam marocain, différent, populaire, cultuel, et qui est né de la manière dont les Marocains ont reçu et compris l’islam venu d’Arabie.
En Orient arabe, on est frappé par la présence effective des tombeaux des prophètes cités dans le Coran et la Bible. De la Syrie aux confins de Yémen et de la mer Rouge à l’Euphrate, vous pouvez visiter des mausolées où gîtent les dépouilles de vrais prophètes, selon les récits officiels. Ce phénomène fait de la Bible et du Coran une réalité de la vie des gens. Au Maroc, cette culture de la prophétie n’existe pas. En revanche, un mouvement similaire, celui que certains historiens appellent le maraboutisme, est très présent sur la terre d’al-Maghrib. Cette donnée sociologique est née de la manière dont les Marocains ont reçu et compris l’Islam. L’humanité ne renonce à rien. L’adulte ne renonce jamais à son enfance, il la refoule, le remodèle, l’adapte aux différentes situations, mais jamais il ne l’abandonne. Les civilisations font de même. On n’abandonne jamais les mythes, ni les rites, mais on se suffit de les adapter. L’Europe chrétienne n’a pas abandonné ses dieux primitifs, mais l’inconscient collectif leur a trouvé des espaces où ils sont vénérés sans qu’ils soient en contradiction avec la nouvelle religion monothéiste ; le christianisme. Les populations du Maroc avaient, elles aussi, accepté les cultes étrangers de gré ou de force, mais sans jamais renoncer à leurs divinités d’origine. Les nouveaux cultes arrivent, s’installent s’interpénètrent avec les anciens ou cohabitent avec eux. Autant dire qu’il y a un semblant de loi qui dit : le spirituel ne disparait jamais, mais il se retire et attend le moment de son retour.
Par Moulim El Aroussi
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