Né dans une famille de l’aristocratie, Moulay Ismaïl Alaoui est aujourd’hui le symbole vivant de l’évolution du communisme au Maroc. L’homme n’est pas à un paradoxe près. Pour Zamane, il dresse le parcours d’une vie d’une étonnante cohérence. Entre têtes couronnées et masses prolétaires, confessions du «gentleman rouge».
Quel a été l’environnement qui a baigné votre enfance ?
Je suis né en 1940 dans une famille aisée et honorable, installée depuis trois siècles à Salé. Ma mère, d’origine algérienne, avait le statut de sujette française ne jouissant pas de la citoyenneté marocaine. C’est grâce à cela que j’ai pu être inscrit à l’école laïque où j’ai passé mes classes de primaire à apprendre la langue française. Conscient de l’importance de ne pas ignorer l’arabe, mon père a eu la bonne idée d’engager un précepteur chargé d’en enseigner les rudiments à mes frères, dont je suis l’aîné, et à moi même. Un second devait quant à lui nous apprendre les préceptes religieux. Mon père tenait absolument à ce que nous ayons cette double éducation. À ma naissance, il était ce qu’on appelle un « mouhtassib », l’équivalent d’un censeur romain dans la période antique. Son rôle était de veiller aux bonnes mœurs au sein de la société, mais il était aussi en charge du bon fonctionnement économique de la ville. Il s’assurait, par exemple, que Salé ne manquait d’approvisionnements en produits de première nécessité. Enfin, il était le trait d’union entre les différentes corporations qui exerçaient dans la cité. Quant à ma mère, elle fait partie de la famille El Khatib, sœur du célèbre médecin, Dr El Kahtib, qui deviendra un des responsables de l’Armée de Libération, fondateur du Mouvement Populaire, puis du PJD. Mon oncle a choisi ce parcours politique pour des raisons qui lui sont propres, surtout lorsque l’on sait que sa famille était alliée à celle de l’Émir Abdelkader.
Comment vos deux branches familiales cohabitaient-elles ?
Très facilement, car nous partagions tous nos grandes vacances à El Jadida, dans la maison de ma grand-mère, Lalla Meriem Al Gabassia. Cette femme influente de la branche maternelle était également la fille du grand vizir Al Gabasse, en activité au début du règne de Moulay Youssef. Cet homme a auparavant exercé d’abord comme ministre de la guerre de Moulay Abdelaziz, avant de prendre les fonctions de représentant du sultan Moulay Abdehafid à Tanger. Au début des années 1920, il s’installe à El Jadida où sa fille, ma grand-mère, hérite de la maison familiale.
Propos recueillis par Mostafa Bouaziz et Sami Lakmahri
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un homme authentique et intègre.