De quoi la Pacification est-elle réellement le nom ? Pour Abdellah Ben Mlih, historien spécialiste de la période du Protectorat marocain, ce terme est, dirait-on aujourd’hui, un «élément de langage» qui cacherait non moins qu’une campagne militaire pour soumettre le Maroc à une autorité nouvelle. Il nous explique comment cette longue manœuvre aussi politique que militaire a été menée durant trois décennies, les traces qu’elle a laissé dans l’Histoire récente du royaume et l’impact qu’elle a eu sur la période coloniale. Histoire d’un rapport de force qui ne dit pas son nom…
Pour vous, à quel moment débute réellement la «Pacification» ou «Campagne du Maroc» ?
Ce que l’on nomme «Pacification» dans la littérature coloniale a commencé au Maroc en juillet 1907, suite à l’insurrection d’une partie de la Chaouia, une région en rébellion contre le Sultan Moulay Abdelaziz depuis 1901 après l’instauration d’un nouvel impôt appelé «Tartib». Le lancement de la construction du port de Casablanca et d’une ligne de chemin de fer par une société française, filiale de la Maison Schneider, ont servi de facteur déclenchant du soulèvement de la Chaouia, dont le théâtre principal fut Casablanca. L’ambition coloniale de la France prenait une forme de plus en plus visible. Elle est perçue comme une atteinte à l’indépendance du Maroc et la confirmation d’un projet de conquête ouvertement coloniale. Les foyers de résistance se multipliaient dans plusieurs régions. Le gouvernement et l’état-major militaire ne s’attendaient pas à une résistance aussi vigoureuse. Sur le terrain les ripostes variaient de simples escarmouches à des bombardements massifs.
Ce scénario est-il courant dans les différentes entreprises coloniales françaises ailleurs ?
Dans l’histoire coloniale, la Pacification était souvent utilisée pour désigner les premières incursions dans les territoires visés, en vue de briser les différentes formes de résistance armée et pour contraindre les autorités politiques locales à se soumettre à la puissance coloniale. Ce fut le cas notamment dans la plupart des conquêtes françaises.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
Lire la suite de l’interview dans Zamane N°147