Aujourd’hui binational, André Levy et d’autres Marocains d’Israël ont bien failli être déracinés de leur pays d’origine. Avec le recul de l’anthropologue qu’il est devenu, André Levy revient sur l’intégration difficile de sa communauté, alors victime de «discrimination». Nationalisme exacerbé et système défini par une «élite ashkénaze» ont tenté d’effacer la culture marocaine d’une communauté de presque un million d’individus. Comment se sont-ils affirmés aux yeux des autres Israéliens ? Quel regard portent-ils sur la politique de l’Etat hébreu et sur le conflit israélo-palestinien ? Et quelles sont aujourd’hui leurs difficultés ? André Levy révèle l’intimité d’une communauté longtemps prisonnière de sa double identité…
Comment vous êtes-vous retrouvé en Israël ?
Je suis né à Casablanca et je suis arrivé en Israël à l’âge de cinq ans, en 1962. La migration de mes parents s’est décidée après un séjour touristique en Israël. Contrairement à la migration plus classique, la nôtre n’était donc pas vraiment planifiée. Elle s’est concrétisée suite à des promesses d’emplois faites à mon père, qui était cadre bancaire à Casablanca. Mais la réalité, une fois sur place, était bien loin des aspirations de mes parents. Nous nous sommes d’abord établis dans la ville côtière d’Ashdod, où il était question que mon père travaille en tant que comptable, dans le nouveau port en construction. C’est finalement un travail de ménage qu’on lui a proposé. Il a évidement refusé. Dès lors, mes parents ont regretté de ne pas être restés au Maroc.
Comment avez-vous vécu vos premières années en Israël ?
Nous nous sommes retrouvés à Ashdod, qui est une ville où s’étaient fortement implantés les Marocains. Cela a facilité notre installation car personne dans ma famille ne parlait l’hébreu, seulement le français. Dans ce nouvel environnement, où j’ai d’ailleurs appris à parler darija, nous habitions un minuscule appartement avec mes parents, mes trois sœurs, et quelques fois ma grand-mère. Il faut savoir que nous étions tout de même parmi les chanceux, car la plupart des gens vivaient dans des baraquements insalubres. Mon père a fini par trouver un emploi, en tant qu’agent qui relevait les compteurs d’eau dans les habitations. Un travail physique qui ne correspondait pas vraiment à son profil et à sa formation.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
Lire la suite de l’interview dans Zamane N°123