Le directeur de cabinet d’Antoine Pinay était l’homme des coulisses, dans la rencontre d’Aix-les-Bains, qui se rendra dans la foulée à Antsirabé, lieu d’exil du sultan avec sa famille, pour finaliser l’accord avec Sidi Mohammed Ben Youssef, et puis après, la mise en place du conseil du trône pour la phase transitoire. C’est dire le rôle éminemment crucial qu’il a joué et l’importance que revêtson témoignage.
On a l’habitude de dater l’adhésion de Pinay à la politique marocaine d’Edgar Faure depuis Aix-les-Bains. Qu’en pensez-vous ?
Je dois préciser que dès 1950, donc bien avant Aix-les-Bains, Antoine Pinay a passé trois jours à Marseille auprès du sultan Mohammed V, qui regagnait le Maroc par voie de mer, à l’issue d’un voyage officiel en France. Il a eu, à ce moment là, avec le roi, des entretiens très précis et très démonstratifs sur le principe de l’indépendance du Maroc.
Quel bénéfice avez-vous personnellement retiré de la conférence d’Aix-les-Bains ?
Je me suis fait battre aux élections législatives de 1958. L’opinion française n’était pas prête. Elle n’acceptait pas du tout le principe même d’un accord franco-marocain. J’étais, dans une certaine mesure, à contre-courant de l’opinion dominante.
Avez-vous été surpris par la modération des positions exprimées par les nationalistes à Aix-les-Bains ?
La modération, oui. Dans le ton, plus que dans le fond. Bien sûr, ils avaient le maniement de la langue française, d’une façon remarquable. J’en étais parfaitement heureux. Qu’il s’agisse de Bouabid, et surtout de mon ami Cherkaoui. Ils excluaient formellement toute tentation de panarabisme et de panislamisme. Et ils étaient, bien entendu, pour une évolution des rapports franco-marocains, mais sans qu’on en définisse d’une façon bien précise la consistance.
Propose recueillis par Selma Lazraq – Editing Zamane
La suite de l’interview dans Zamane N°143