Mahjoub Salek est le fondateur de la première vague contestataire à l’intérieur du front Polisario. Dans cette interview, il revient sur la dernière résolution des nations unies pour le sahara, sur les dates clés dans le conflit du sahara et explique à «Zamane» le sens de La démarche du mouvement « khat achahid » pour faire fléchir la direction actuelle du front polisario.
Je suis venu porteur d’un rameau d’olivier», devait dire Mahjoub Salek devant un parterre aussi riche qu’avisé, le 9 avril dernier dans une salle archicomble à Rabat. «Si je suis là aujourd’hui, devait-il rajouter, c’est que le Maroc d’aujourd’hui n’est pas celui que j’ai quitté en 1972». L’homme a une histoire qui se confond avec le combat de ses pairs pour la libération des territoires sahariens sous le joug espagnol. Il a participé à la manifestation de Tan-Tan de 1972 qui appelait à la libération du «Sahara espagnol». Il fut de ceux rabroués par les autorités marocaines. Suite à cela, il grossira les rangs du Polisario, portant à la fois les armes et la parole. Il a évolué dans le sillage de son chef charismatique Mustapha Sayed, alias El Ouali, témoin de ses tréfonds et de ses déboires. Le noble combat mené par des jeunes beidanes pour la libération du Sahara s’enlise dans un jeu régional et international complexe, dont le perdant, in fine, ne serait que les populations arrachées à leurs familles, leur territoire et embarquées dans une aventure aussi chimérique que douloureuse. Salek lui-même en fera l’amère expérience, car les limiers du Polisario, répondant à un autre agenda que celui brandi, ne l’épargneront pas : durant neuf années consécutives, il croupira dans les geôles de ceux qu’ils prenaient pour ses frères de combat. Volte-face ? Non, mais fidélité à l’idée première du combat, assortie d’une réflexion sur la situation au sein des camps de Tindouf, l’évolution du Maroc, le rapport à l’Algérie. Tout cela le décide à prendre ses distances par rapport à la direction du Polisario qu’il ne ménage plus. Il ne choisit pas de se rallier au Maroc comme d’autres l’avaient fait, car il ne s’agit pas de trouver une issue personnelle ou de gérer une carrière, mais de trouver une solution à ceux embarqués dans une aventure dont ils ne saisissent pas les tenants, et qui le payent chaque jour, par le déchirement, la précarité, les exactions, le désespoir. Il faut casser ce cycle et ce n’est pas dans les joutes onusiennes ou les arguties de professionnels de la parole et les techniques de la négociation que la solution pourrait se profiler, mais par des fleurons libres et sincères. Le cadre de l’autonomie est une initiative positive, devait-il dire à la presse marocaine, en marge des travaux du Forum des droits de l’homme, tenu en novembre 2014 à Marrakech.
La voie médiane qu’il emprunte est celle qui se veut fidèle à celle tracée par «le martyr» El Ouali. Dans ses réflexions comme dans son action, Mahjoub Salek veut lui donner un contenu. L’homme a de la ressource. II demeure fidèle à l’histoire et aux siens dont il se veut le porte-flambeau. Une voix à écouter, qui pourrait, peut-être, baliser la voie à la paix dans la région, dans la dignité, au profit de tous.
Propos recueillis par Hassan Aourid et Sami Lakmahri
La suite de l’entretien dans Zamane N°54