Malek Chebel : Lumière parmi les lumières
Malek Chebel, anthropologue des religions et psychanalyste natif d’Algérie, s’est éteint à Paris le 12 novembre dernier. Il avait 62 ans. Essayiste, auteur de nombreux ouvrages sur le monde arabe et l’islam, cet intellectuel s’est toujours appuyé sur «l’islam des Lumières » et a toujours célébré l’amour. Parmi ses travaux les plus connus, Manifeste pour un islam des Lumières, l’Encyclopédie de l’amour en islam ou encore le Kama-sutra arabe. Dans un contexte marqué par le terrorisme et la barbarie, Malek Chebel dénonçait l’obscurantisme et regrettait la disparition d’un islam apolitique, «celui de nos parents», disait-il.
Khadija El Manouzi : Mère courage
Jusqu’à son dernier souffle, à l’âge de 94 ans, L’Hajja Khadija Chaou, épouse du résistant Ali El Manouzi et mère du célèbre disparu Houcine El Manouzi, n’a cessé de combattre la répression politique, animée par la disparition en 1972 de son fils Houcine, opposant, enlevé à Tunis puis rapatrié au Maroc et détenu dans d’obscures conditions. Devant l’indifférence des autorités, L’Hajja Khadija mène sa propre enquête et parvient à apporter des éléments inédits qui embarrassent la justice. Khadija Chaou devient une militante capable de porter les espoirs de tous ceux qui cherchent encore la vérité sur leurs proches.
Tayeb Saddiki : Monsieur chéâtre
L’année 2016 s’est ouverte sur une bien triste perte. Celle du dramaturge Tayeb Saddiki, le 5 février dernier, un géant du théâtre marocain. Il laisse derrière lui une œuvre monumentale, près de 80 pièces, dont plusieurs ont été adaptées d’œuvres étrangères en arabe, ainsi qu’un théâtre qu’il a ouvert dans les années 1980 sur le boulevard Ghandi à Casablanca. Saddiki avait plus d’une corde à son arc, calligraphe, collaborateur de la revue Souffles, il était aussi cinéaste. Son long-métrage «Zeft» a d’ailleurs reçu le prix de la première œuvre aux Journées cinématographiques de Carthage (Tunisie) en 1984.
Leila Alaoui : Elle avait tout pour elle
Le 18 janvier, le Maroc perdait Leila Alaoui, jeune photographe franco-marocaine dont la vie a été fauchée en plein vol par le terrorisme. Elle qui avait déjà vécu les attentats du 11 septembre à New York, puis ceux du 13 novembre à Paris, a finalement été victime des attaques de Ouagadougou. Cette talentueuse photographe, globetrotteuse, profondément humaniste, travaillait notamment sur les thèmes de l’immigration et de l’identité culturelle. Modeste, elle refusait de se décrire comme photographe et préférait parler de son travail comme une « mission sociale ». Le 13 septembre, Leila Alaoui a été décorée à titre posthume par la France qui lui a décerné l’Ordre des Arts et des Lettres.
Miloud Chaabi : La disparition du patriarche
On le surnommait le « self made man ». Miloud Chaabi, né dans les années 1930 près d’Essaouira, s’est éteint à l’âge de 86 ans le 16 avril dernier. Son histoire est aussi incroyable qu’un conte de fée, celle d’un pré-adolescent qui fuit son milieu paysan et part à l’aventure. Il deviendra plus tard un magnat de l’immobilier, de la grande distribution et de l’hôtellerie, tout en gardant ses distances avec les cercles traditionnels de pouvoir. Côté politique, «LHaj Miloud» s’est fait connaître pour son franc-parler savamment calculé et migre, au gré des sympathies partisanes, de parti en parti (Union constitutionnelle, PPS puis PJD). Côté business, son groupe, Ynna Holding, brasse 10 milliards de DH de chiffre d’affaires par an.
Rachid Skiredj : L’opposition de l’ombre
Résistant, nationaliste, fondateur du CAB1 puis opposant à HassanII, les multiples vies de Rachid Skiredj ont pris fin en décembre dernier. Cette fois, il n’a pas pu échapper à la fatalité qui le poursuit depuis 1963 et la première tentative de meurtre à son encontre. à cette époque, il est démasqué par Oufkir, Dlimi et consorts, alors qu’il servait les intérêts de l’UNFP et ceux de son ami, Mehdi Ben Barka. Depuis, Skiredj est un homme traqué. Malgré l’amnistie décrétée dans les années 1980, ce militant, passé par le Mouvement du 23 mars, n’a plus jamais fait confiance à un pays qui l’a tellement opprimé. Il est considéré comme le symbole des victimes psychologiques des années de plomb (lire page 46).