En 2021, pendant le confinement lié au Covid19, nous avons été surpris de voir se tenir le Festival International du Cinéma Indépendant de Casablanca (FICIC). Malgré les conditions du confinement, le festival a pu avoir lieu, profitant de l’engouement des cinéphiles pour les activités en ligne. Des projections, des débats, des ateliers et des rencontres avec des réalisateurs et des critiques du cinéma. Comment pouvait-on croire à une volonté de s’acharner à faire profiter le public casablancais de la beauté du cinéma et ainsi le tirer de sa retraite forcée ? Il faut être Hammadi Gueroum pour le faire.
En fait, l’organisateur et directeur du festival, critique de cinéma avéré, a été, pendant 25 ans, le directeur du Festival international du Cinéma d’auteur de Rabat. On pourrait dire qu’il en était l’inventeur. S’il récidive aujourd’hui en créant ce festival, c’est pour affiner sa philosophie de l’image en général et du cinéma en particulier. À l’ère où l’image s’empare de l’être humain au point où il devient aveugle, Hammadi Guerroum se propose de nous sauver de la cécité. Le flot des images qui traverse même nos rêves nocturnes est en train de remodeler notre jugement esthétique.
Les grosses productions standardisent notre goût en le soumettant à celui de la machine du profit. Le cinéma indépendant sauve notre jugement en nous proposant des visions débarrassées des images de la grande consommation. C’est un cinéma d’auteur, mais encore plus radical dans son indépendance par rapport au capital. En quittant la direction artistique du Festival du cinéma d’auteur de Rabat, Gueroum s’attelle tout de suite à la mise en place de la première édition du cinéma indépendant, qui devait se tenir en 2019. Ce n’est qu’en 2021, pendant le grand confinement, que la première pierre inaugurale du Festival fut posée. Malgré les conditions difficiles, la participation de 12 longs-métrages et 18 courts, reçus des quatre coins du monde selon un communiqué de la direction du festival en janvier 2021, ont tout de suite donné le ton de ce grand événement de l’image. La nostalgie de la première édition s’empare de nous, car restés chez nous, nous pouvions suivre toutes les activités sans souffrir des embouteillages casablancais, ni parfois des intempéries imprévisibles. Mais participer au festival en présence d’amateurs et de spécialistes du cinéma venus du Maroc et du monde est un plaisir sans égal. Découvrir des sensibilités auxquelles le grand commerce de l’image n’accorde aucune attention, sont des moments à partager avec les cinéphiles au goût raffiné.
C’est dans les plis des œuvres dont les auteurs ne se plient à aucune contrainte, hormis celle de la créativité, qu’on peut lire l’avenir de nos sociétés. Dans ce sens, je me vois partager le point de vue du directeur du festival, Gueroum, dans son introduction de l’événement, mais en la transformant légèrement : c’est un festival du cinéma indépendant et c’est pour cela qu’il est un festival juste.
Par Moulim El Aroussi