D’où vient le sentiment de «tamaghrabit» ? Qu’exprime-t-il et que révèle-t-il de nous ? Qui en est le moteur et vers quoi la «marocanité» nous destine-t-elle ? Autant de questions qui exigent de prendre de la hauteur. Il ne suffit pas de vivre sa «marocanité», il faut aussi la penser. Le philosophe Ali Benmakhlouf se plie, pour Zamane, à ce périlleux exercice.
Le sentiment de « marocanité » est-il comparable à n’importe quel nationalisme dans le monde ou relève-t-il plutôt d’une autre « exception » marocaine ?
Un sentiment est de l’ordre de l’affect. Le nationalisme est une doctrine qui, non seulement met la nation au premier plan, mais elle se présente aussi comme une conviction défensive. Le nationalisme veut faire croire que la nation est en danger si l’on n’adopte pas des mesures énergiques pour la protéger. Ces mesures nourrissent souvent un sentiment de discrimination à l’égard de ceux qui n’appartiennent pas à la nation. Nous voilà ici dans le registre du sentiment. Si, donc, le sentiment de « marocanité » est comparable à un nationalisme, il l’est dans le sentiment xénophobe induit par le nationalisme. Si être marocain, c’est discriminer ceux qui ne le sont pas, ce sentiment devient mortifère.
Peut-on dater ce sentiment à travers l’histoire ? Peut-on parler d’un acte fondateur ou la « marocanité » s’est–elle exprimée au fur et à mesure ?
Le sentiment de marocanité, s’il existe, doit bien relever de sédimentations historiques multiples aux strates peu définies. Il en va de ce sentiment comme de ce que l’on appelle « une aire culturelle ». Ce sont des notions subversives dans leurs contours, je veux dire que quand on cherche à délimiter ce sentiment, on entre dans une zone polémique. Quant à l’aspect fondateur, ce sentiment est comme la tige d’un arbre dont la racine s’est perdue. Qui peut prétendre aujourd’hui donner un fondement clair et distinct à un sentiment si fluctuant aux contours si peu précis ?
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