Mohammed Ben Youssef est surtout connu comme le père de la nation marocaine, le Libérateur. Peu se souviennent pourtant que, jeune homme, il a apposé sa signature sur un des documents les plus décriés du protectorat français : le Dahir dit «berbère».
Le 17 octobre 2001 est une date que certains Amazighs marocains (le terme originel «Berbères» est fréquemment rejeté par les intéressés) marquent d’une pierre blanche. Ce jour-là, à Ajdir, une petite localité montagnarde de Khénifra, sur les hauts plateaux de l’Atlas, Mohammed VI prononçait un discours dans lequel il annonçait la promulgation d’un dahir créant et organisant l’Institut royal de la culture amazighe (Ircam). Le but de ce dahir était d’essayer de réparer une grande injustice. L’Etat reconnaissait enfin, et par décret royal, la culture amazighe, la composante majoritaire du royaume chérifien qui était jusque-là assez marginalisée et souvent ostracisée. Certains ont vu dans cette promulgation une sorte de Dahir berbère «positif», par opposition au «Dahir berbère» 1 du 16 mai 1930, que les historiens taxent de « négatif » puisque sa finalité à l’époque était de soustraire les Amazighs au chraâ, la législation islamique, celle du sultan, et de leur réserver une certaine autonomie dans le domaine juridique, le ‘urf, le fameux droit coutumier des Berbères qui existe depuis la nuit des temps. On sait ce qui s’est passé après la promulgation de ce dahir, qui a provoqué une incroyable levée de boucliers nationaliste. Toutes les composantes du nationalisme marocain, zone française et zone espagnole confondues, ont trouvé là le prétexte pour faire cause commune contre une hérésie, une grave atteinte à l’unité nationale du pays. Qu’importe qu’à cette époque l’unité de l’Empire chérifien, dénomination du Maroc de nos grands-parents, soit déjà assez compromise, avec deux zones d’influence, deux capitales, et une ville régie par un curieux statut international, Tanger.
Par Adnan Sebti
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