Mohammed V n’a jamais eu à subir l’horrible affront que constitue une tentative de régicide. Symboliquement, il est pourtant mort et ressuscité plusieurs fois : un roi qui n’aurait pas dû régner, qui plus est confronté à l’exil et à la chute symbolique de son trône.
Peu de gens connaissent les conditions d’accès au trône de Mohammed Ben Youssef qui, en 1956, deviendra le sultan de l’indépendance. Les observateurs des années 1920 parlent unanimement d’un prince discret, oublié de son père, le sultan Moulay Youssef, et perdu au milieu de ses multiples belles-mères. Il a 17 ans lorsqu’il monte sur le trône, à l’étonnement de tous. Car sidi Mohammed Ben Youssef revient de loin. Il est le troisième fils d’une fratrie de quatre. Son aîné Moulay Driss est atteint d’une affection nerveuse. Son deuxième frère, Moulay Hassan, passe pour un agitateur enclin au jeu. Le benjamin, Moulay Abdeslam, a le désavantage de l’âge. C’est ainsi, en tout cas, que les Français justifient à l’époque le choix de Sidi Mohammed. Quand la santé de Moulay Youssef commence à se détériorer, c’est donc sur Sidi Mohammed que se porte le choix du résident général Théodore Steeg. Le jeune homme, qui vient de se marier, s’est entiché de son épouse et semble très loin de toute préoccupation politique : aux yeux des Français, il est le candidat idéal pour le poste de sultan. C’est pourtant interné au palais de Meknès et séparé de sa femme que Sidi Mohammed apprend la mort de son père. Le jeune prince, en complète disgrâce, était notamment accusé d’un vol de tapis par un gardien de palais, un certain Ababou. Mais les manœuvres de l’ambitieux grand chambellan n’ont pas payé. Et c’est presque un enfant qui monte sur le trône, que les autorités françaises croient pouvoir manier à leur guise. D’ailleurs, Mohammed Ben Youssef semble d’abord leur donner raison. Jean Lacouture rapporte ainsi l’anecdote suivante : tout frais sorti de prison et découvrant le rituel d’allégeance, le nouveau sultan aurait naïvement demandé, « est-ce pour récupérer ma femme ? ».
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Par la rédaction