À partir du témoignage-hommage de Brahim Ouchelh, grande figure de l’UNFP-USFP, à Abderrahmane Youssoufi, Zamane complète et fait le tour de l’histoire. Celle du Maroc pendant et après le Protectorat, mais aussi celle, complexe et riche en enseignements, d’une génération qui a rêvé de changer le visage du Maroc. Portrait d’un homme et radioscopie d’une longue séquence de l’histoire politique et sociale du royaume.
Une séquence terrible par ses conséquences, mais riche en émotions, en drames aussi, et en retournements de situation. Avec, pour finir, quelques points d’inflexion qui ont bouleversé, à jamais, l’ordre des choses.
Cest un exercice inhabituel auquel nous vous invitons ce mois-ci. Un acteur de l’histoire politique du Maroc raconte un autre acteur. Il le raconte et se raconte lui-même, forcément. Dans un style qui emprunte au récit propre et à la première personne, à la discussion à bâtons rompus entre deux vieux camarades, et aux techniques de la narration et de l’interview journalistiques. Entre le témoignage, l’enquête, l’analyse introspective et autocritique, Brahim Ouchelh raconte Youssoufi et nous dresse, au passage, un portrait de groupe ou presque. Parce que l’histoire de Youssoufi et de ses jeunes camarades a valeur de métaphore. C’est l’histoire d’un espoir porté par toute une génération de Marocains, qui sont nés et ont grandi pendant le Protectorat. Ils ont ouvert les yeux sur ce Maroc à plusieurs vitesses et ils ont tout de suite couru vers deux objectifs, deux rêves. Le premier a été de s’attacher à moderniser la société marocaine, à laquelle ils ont malgré tout emprunté les vertus du « Maroc éternel », en puisant dans sa tradition et son référentiel islamique. Le deuxième a consisté à combattre l’occupation européenne mais en se servant de sa science et de sa culture. Parce que -et cela n’a jamais été assez dit- le passage du Protectorat a poussé une nouvelle génération de Marocains à ouvrir les yeux. Et à lever la tête. Avec des yeux ouverts, une tête relevée, le chemin qui mène vers la prise de conscience n’est plus très loin. Youssoufi est le chef de file, ou l’un des chefs de file, de cette génération de nationalistes qui ont eu la bonne idée de ne pas tout rejeter. Ils ont compris qu’il y avait quelque chose à récupérer : dans le génome de la société archaïque de l’époque, et plus encore dans celui de l’occupant européen.
Dossier coordonné par la rédaction
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