Courageux, endurci, Abderrazak El Blidi était le prototype du résistant discret, efficace et fier, très fier.
Ses papiers d’identité officiels renseignent qu’il est né en 1935, ce qui est inexact et nous verrons plus loin pourquoi. Il a vu le jour dans une famille aisée de Boukroune, dans l’ancienne médina de Rabat. Les Blidi seraient d’origine andalouse, et plus exactement d’Albelda, qui est aujourd’hui une commune d’Aragon au nord de l’Espagne. Le père de Abderrazzak, El Mahjoub, est un menuisier ébéniste connu pour la qualité de ses produits. Il fait avec son fils aîné Mohamed le voyage jusqu’à Marseille, probablement au début des années 1930, pour se procurer un outillage électrique moderne, afin de réponde à la demande de sa clientèle faite de notables marocains et d’Européens.
Abderrazzak fait un cursus scolaire qui ressemble à celui des fils de notables nationalistes de l’époque : Msid, puis école primaire arabe moderne, ensuite collège où on apprend également des rudiments de français. Son fils Samir, aujourd’hui traumatologue à Rabat, nous raconte en riant : «Mon père ne maitrisait pas totalement la langue du colon dans sa jeunesse. Ainsi, quand il était en prison pour faits de résistance, il se plaignait de ses conditions d’incarcération dans ces mots à l’inspecteur pénitentiaire : «M’sieu, une fois trop chaud, une fois c’est rafraîchissant». Je peux vous dire qu’il en a ri jusqu’à la fin de ses jours !». El Blidi quitte l’école après le brevet, au tout début des années 1950. Parce que, justement, il se fâcha avec le professeur de français. Autre cause, son oncle refuse de financer ses frais de scolarité en lui disant : «Tu es déjà grand maintenant, tu sors travailler comme tous les hommes». Une telle attitude était très répandue à l’époque. De fait son père, El Mahjoub, décéda assez jeune, en 1947. Abderrazzak, qui commence à travailler comme menuisier, mène alors une vie très active. Il joue au football au sein de l’équipe Rabat-Salé, ancêtre de l’actuel Fath (FUS de Rabat). Il s’inscrit aussi dans une salle de sport et devient un gymnaste affirmé.
Par Maati Monjib
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