Il est le géographe le plus génial de son temps. Considéré comme le père de la cartographie moderne, le savant médiéval Al Idrissi est pourtant un illustre inconnu. Si son œuvre a traversé les siècles, son parcours est quant à lui baigné de mystères…
Date et lieu de naissance : inconnus. Date et lieu de décès : inconnus. Etranges failles biographiques pour un homme dont le nom va traverser les âges. Abou Abdallah Mohamed Ibn Mohamed Ibn Abdallah Ibn Idriss al-Qourtoubi al-Hassani, de son nom complet ; ou Cherif Al Idrissi comme il est aussi appelé, est de ceux dont le talent est en avance sur son temps. Ce savant dont le patronyme prétend avoir ascendance chérifienne, produit une œuvre cartographique unique en son genre au Moyen Âge.Sa conception du monde est aussi d’une étonnante modernité, et surtout à contre-courant du dogme des religions dominantes. Al Idrissi affirme par exemple que «la terre est ronde comme une sphère, et l’eau s’y tient et y reste par le biais de l’équilibre naturel qui ne subit pas de changement». Le savant s’inscrit aussi dans une lignée qui consacre l’art de la cartographie dans le monde arabo-musulman. Remarqué depuis l’expansion musulmane du VIIIème siècle, ce courant se construit d’abord par la traduction de traités de géographie hérités de la Grèce antique. Depuis Baghdad, siège du califat abbasside (750-1258), les ouvrages de Ptolémée, Platon ou encore Aristote sont réhabilités et dépoussiérés après des siècles d’oubli. L’une des figures de cette entreprise savante est sans aucun doute le philosophe Al Kindi (801-873), devenu maître dans la transmission du savoir grecque à la civilisation arabo-musulmane. Afféré dans ses recherches au cœur de la célèbre «Bayt Al Hikma» (Maison de la sagesse) de Baghdad, Al Kindi s’est particulièrement penché sur les fondements scientifiques de la géographie mathématique. Ses confrères vont en parallèle s’atteler à la réalisation de la plus grande carte du monde de leur époque.
Par Sami Lakmahri
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