En clôture de l’année cinématographique 2014, la déprogrammation du film Exodus des salles marocaines marque le point de discorde. Retour sur l’épilogue d’une censure qui ne dit pas son nom.
« Il n’y a eu ni pressions, ni interdiction ! ». C’est mot pour mot, la parade lancée lundi par Sarim Fassi Fihri, directeur du Centre Cinématographique Marocain (CCM), qui s’expliquait lors d’une conférence de presse, organisée autour de l’interdiction du film Exodus de Ridley Scott. Étayant son argumentaire devant un parterre de journalistes, Fassi Fihri a rajouté que le représentant du ministère de la communication, membre de la commission de visionnage des films, avait des réserves concernant la projection du film : « Exodus a été interdit pour des raisons de sécurité », dixit le directeur du CCM. Celles-ci seraient liées à des séquences du film dont l’interprétation porterait blasphème à l’islam.
Pourtant, dans la loi, la décision d’interdire ou d’accorder la distribution d’un film est bien cadrée : le Dahir n° 1-01-36 du 15 février 2001 promulguant la loi n° 20-99 relative à l’organisation de l’industrie ne mentionne aucune motivation ouvertement religieuse pour interdire un film : « La commission de visionnage des films cinématographiques veille au refus de visa ou à la coupure dans le contenu des films cinématographiques qui présentent des scènes contraires aux bonnes mœurs ou préjudiciables aux jeunes, ou à l’interdiction aux mineurs de moins de seize ans d’assister à la projection de certains films ».
Pour rappel, la sortie du film d’Exodus était programmée pour le mercredi 24 décembre dernier. A Casablanca, le film a été retiré avant sa première projection. Dans d’autres villes, comme à Marrakech ou à Rabat, les spectateurs ont pu le voir pour une séance ou deux. Le chargé de programmation du Cinéma Renaissance à Rabat, Marwan Elaaraj, livre son récit : « Deux heures avant la première séance de projection du film, La Renaissance a reçu un appel d’un responsable du CCM disant qu’Exodus doit être déprogrammé. Pourtant, il est resté encore accessible dans le système numérique qui fournit les films à toutes les salles de cinéma au Maroc. Nous avions un visa culturel délivré par le CCM nous permettant une projection le jour « J », tandis qu’aucune décision officielle n’avait encore été communiquée pour annuler cette projection. La Renaissance a donc maintenu sa première séance, considérant que nous étions toujours dans le respect de la loi ». En effet, le Dahir n° 1-01-36 du 15 février 2001 promulguant la loi n° 20-99 relative à l’organisation de l’industrie cinématographique précise que « toute exploitation commerciale d’un film cinématographique sur le territoire national (…) est subordonnée à l’obtention d’un visa délivré par le directeur du Centre Cinématographique Marocain sur décision d’une commission dite « commission de visionnage des films cinématographiques » qui siège audit centre ». Marwan Elaaraj précise également que la décision du CCM pour déprogrammer le film n’allait être rendue officielle que le lendemain de l’appel téléphonique reçu. « C’est donc jeudi [25 décembre] que La Renaissance a retiré le film de sa programmation, comme nous avions reçu l’information qu’un communiqué tomberait dans la journée ». Le CCM a enfin rendu officielle la décision d’interdire le film dans la matinée du 26 décembre.
Aux dernières nouvelles, non encore confirmées, des négociations seraient en train d’aboutir, entre le CCM et le réalisateur du film Ridley Scott, pour retirer du film les séquences qui sont derrière l’interdiction de la projection d’Exodus dans les salles.