Il ne suffit pas de la lire pour tout à fait la comprendre. Fadma Aït Mous, chercheuse en sciences sociales à l’université Hassan II de Casablanca, a eu la chance de connaître de près Fatéma Mernissi. Aujourd’hui l’une des principales animatrices de la chaire marocaine consacrée à la sociologue, elle nous explique pourquoi l’esprit de Mernissi est encore si vivace huit ans après sa mort. Ses méthodes et ses approches, parfois insolites, font partie d’une personnalité hors du commun que décrypte pour nous Fadma Aït Mous, gardienne d’une mémoire qui ne se tarit pas…
Vous êtes membre de la chaire Fatéma Mernissi, en quoi consiste votre engagement ?
La chaire Fatéma Mernissi a été créée en 2016, elle est doublement hébergée par l’Université Mohammed V de Rabat à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines et à Economia, centre de recherche de HEM. La chaire s’inscrit dans la démarche et les thèmes de prédilection de Fatéma Mernissi, elle a comme principes de travail, le décloisonnement des disciplines, l’ouverture et l’interaction avec les dynamiques sociales et l’évolution du monde. Les activités de la chaire prolongent ainsi le legs de Fatéma par la critique, la réflexion, le travail de terrain, le souci de l’éthique et l’innovation méthodologique et des programmes de recherche innovants.
En quoi ce travail contribue-t-il à faire vivre l’héritage de la sociologue ?
Le groupe de réflexion initié par Fatéma (Collectif du vivre ensemble) a continué la réflexion autour des nœuds et des lieux du lien social dans la société marocaine à l’aune des dynamiques en cours et a donné lieu à un ouvrage collectif («Le tissu de nos singularités, le vivre ensemble au Maroc», 2016). Fatéma est partie avant de faire la préface du livre, la lettre posthume qui lui a été dédiée en préface du livre exprime clairement comment nous tentons de prolonger son legs, ses intuitions, ses questionnements et surtout sa démarche qui est multi-située et ouverte sur la société et qui tente d’en saisir les mécanismes encore à leur origine. Le titre est aussi un hommage à son travail avec les tisseuses. Plus récemment, durant la période de confinement, nous avons initié ce que nous avons nommé «Café littéraire FM» autour de plusieurs thématiques, ouvrages et travaux. Des études comme «Les violences contre les femmes à l’aune de la loi et du contexte pandémique» (partenariat Economia HEM et Oxfam) ou encore l’étude autour des masculinités (en partenariat avec UNESCO) sont portées et réalisées dans le cadre de la Chaire. Et tout récemment, nous avons lancé le podcast de Fatéma Mernissi, «Kayna», qui vise à faire connaître ses textes et le parcours d’autres militantes et militants à des audiences larges, le choix d’utiliser la darija est pensé pour une large diffusion. Soulignons aussi que deux autres chaires dédiées à Fatéma Mernissi sont créées ailleurs, une en Belgique et une au Mexique. Plusieurs initiatives sont organisées au Maroc et ailleurs, des conférences, des publications, etc. Son legs théorique, conceptuel et méthodologique appartient à tout le monde !
Propos recueillis par Sami Lakmahri
Lire la suite de l’interview dans Zamane N°151