Le 5 décembre 1953, Ferhat Hached, Secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), est assassiné pour son militantisme anticolonial. Hached est tellement influent que sa disparition enflamme la rue marocaine…
Ferhat Hached est né en 1914 à El Abbassia, petit village d’une île méditerranéenne au large de Sfax. D’origine modeste, il suit néanmoins une brève scolarisation qu’il interrompt à l’âge de 8 ans suite à la mort de son père. Hached est encore un enfant lorsqu’il découvre le monde du travail pour lequel il va consacrer le combat d’une vie. En 1930, il se rend à Sousse où il est engagé comme convoyeur pour le compte de la Société des transports du Sahel. Agé de 16 ans, il se distingue déjà dans son entreprise par sa participation à la création d’un syndicat local affilié à la Confédération Générale du Travail (CGT) française. Déjà, il consacre son temps libre à la défense des droits des travailleurs et constate que la véritable dignité des Tunisiens ne peut s’acquérir que par eux-mêmes. Avant de fonder un syndicat détaché de sa filiale française à même de s’immiscer dans le mouvement nationaliste naissant, le jeune Hached continue de faire ses armes et grimpe dans la hiérarchie de la centrale. Il puise son inspiration des thèses sociales du cheikh Abdelaziz Thaalbi, fondateur du Destour en 1920, et de Salah Ben Youssef, futur rival de Habib Bourguiba. En 1944, alors qu’au Maroc l’Istiqlal publie son Manifeste pour l’Indépendance, Ferhat Hached fonde avec ses camarades l’Union des Syndicats Libres du Sud qui milite pour l’égalité entre les travailleurs Tunisiens et travailleurs Européens. Deux ans plus tard, il est élu Secrétaire Général de l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), premier grand syndicat national Tunisien lors de son premier congrès.
L’indépendance politique est pour la première fois officiellement revendiquée. Dès lors, il devient, à 31 ans, un acteur politique majeur doublé d’un leader syndical incontesté. En somme, une menace sérieuse pour les intérêts coloniaux de la France en Tunisie. En 1951, soit un an avant son assassinat, la centrale de Hached compte 120.000 adhérents. En organisant des grèves et en portant la question tunisienne à l’internationale, l’UGTT est au moins aussi efficace que le Néo-Destour de Bourguiba dans la lutte nationale. Surtout, et contrairement à ses homologues exclusivement politiques, Hached n’envisage pas de lutte sans l’union des forces nationales des pays du Maghreb. A l’image de Ben Abdelkrim Al Khattabi, héros de la bataille d’Anoual, il n’est pas question pour lui de militer pour une seule indépendance. Une stratégie que souhaite appliquer le tunisien à travers son domaine de prédilection : le syndicalisme. C’est ainsi qu’il déploie ses efforts dans l’objectif de créer une union syndicale maghrébine. Pour y parvenir, Ferhat Hached encourage régulièrement syndicalistes algériens et marocains à fonder des centrales indépendantes de la gauche coloniale française, alors seules autorisées dans ces deux pays. Cet attachement viscéral à la cause des autres pays du Maghreb est sans doute la première cause de la popularité de Hached au Maroc.