Oussama Boutahar a 24 ans lorsqu’il rejoint la Bosnie en 1994 pour y mener le jihad. Il y intègre la brigade des combattants étrangers et apporte pour Zamane un témoignage inédit d’une guerre peu à peu oubliée…
«Lorsque la guerre a éclaté, je résidais en Italie où je menais une vie normale. Comme tous les musulmans, j’ai été choqué du traitement réservé aux frères et sœurs de Bosnie au point de vouloir me révolter contre cette injustice atroce. Je n’ai été sollicité par personne lorsque j’ai décidé de m’y rendre, par mes propres moyens, en 1994. Je n’avais de toute façon pas besoin d’un support matériel conséquent puisque depuis l’Italie, il est facile de se rendre dans les Balkans. Je suis passé par la Slovénie puis la Croatie avant de me retrouver en Bosnie. Sur place, j’ai trouvé une structure militaire bien organisée. J’ai intégré une brigade spéciale dédiée aux combattants étrangers (katibat El-Mudzahid, ndlr). Nous étions sous un commandement arabe, celui de l’Emir Algérien Abou Al Maâni et de l’Emir égyptien Anouar Chaâbane. Au sein de cette katiba, nous étions à peu près une quarantaine de Marocains, une minorité sur les 40 nationalités représentées dans l’armée bosnienne. Ce pays était ravagé par la guerre. Quasiment toutes les infrastructures étaient en ruine et surtout les populations étaient victimes d’horribles exactions. J’ai assisté à une véritable épuration ethnique où même les femmes et les enfants étaient exécutés. Les Bosniaques ne se sont pas laissés faire et ont pu mettre sur pied une armée efficace capable de protéger la population. C’est grâce à ces efforts que la situation s’est peu à peu améliorée jusqu’aux accords de Dayton en 1995. Alija Izetbegović (fondateur du parti national des musulmans de Bosnie durant la guerre) nous avait proposé, à la fin du conflit, de rester en Bosnie et d’en acquérir la nationalité. Certains ont décidé de le faire et ont vécu en communauté dans un village spécialement dédié. Ils ont été expulsés après le 11 septembre par la Bosnie. Je sais que certains d’entre eux sont parvenus à rallier le Maroc avec femmes et enfants. Pour ma part, j’ai décidé de quitter les Balkans en 1995 et de reprendre une vie normale en Italie. A la suite de la mort de mon père, j’ai ensuite décidé de rentrer au Maroc avant d’effectuer un séjour en Syrie. Après les attentats du 16 mai, la traque de tous ceux qui avaient menés le jihad à l’étranger s’est intensifiée. J’ai été arrêté puis expulsé au Maroc où j’ai été enfermé et torturé pendant huit mois au centre de détention secret de Témara. Grâce à Dieu j’ai été relâché car aucune preuve de terrorisme n’a été trouvé à mon encontre, je n’ai rien à me reprocher. Les services marocains m’ont même dit qu’ils étaient fiers qu’un Marocain a eu le courage de défendre les musulmans de Bosnie».