Les plus anciennes empreintes de pieds humains d’Afrique du Nord et du sud de la Méditerranée ont été découvertes sur une plage rocheuse à proximité de Larache. L’annonce faite le 22 janvier dernier raconte l’histoire d’une balade en bord de mer vieille de presque 100 000 ans…
Avec le réchauffement climatique et la montée du niveau des océans, les littoraux sont de plus en plus surveillés. Au Maroc aussi, les scientifiques se penchent sur le phénomène et mènent des études pour en évaluer la portée. C’est ainsi qu’en juillet 2022, une équipe dirigée par l’Université Bretagne Sud (UBS) inspecte une plage près de Larache dans le cadre d’un projet de recherche scientifique sur l’origine et la dynamique des blocs rocheux qui jonchent le littoral sud de la ville. Une mission qui n’aurait sans doute pas fait le tour de la presse mondiale si l’équipe n’était pas tombée sur une invraisemblable découverte. Dans un état de conservation exceptionnel, des traces de pas humaines sont restés figés dans la roche. Plus d’un an et demi plus tard et une batterie d’analyses, le verdict tombe. Il s’agit là des plus anciennes empreintes de pas humains jamais découverts en Afrique du Nord. Elles sont celles de cinq individus, enfants, adolescents et adultes, présentant une grande variation de taille, allant de 121 à 189 centimètres, qui ont donc foulé ce sol il y a presque 100.000 ans. La découverte prend naturellement une autre tournure puisqu’elle vient enrichir l’incroyable héritage des Homo Sapiens au Maroc. Le royaume, depuis 2017 et la découverte de Jbel Ighoud de fossiles humains, les plus anciens jamais révélés, datant de 300 000 ans, confirme donc qu’il est un jardin d’Eden pour les chercheurs qui traquent nos ancêtres.
Cet épisode de Larache est aussi émouvant que les précédents, car il est un instantané d’un quotidien resté figé dans le temps. Le communiqué publié par l’Université Bretagne Sud (UBS) y fait d’ailleurs référence «Ces empreintes (85 au total) sont principalement orientées vers la mer et donnent une image saisissante de ce que pourrait être vraisemblablement la recherche de ressources marines par ces Homo sapiens qui habitaient ou longeaient la côte Larachoise il y a environ 100.000 ans». Ces traces humaines miraculeuses ont ainsi survécu au temps et à l’activité humaine pour nous transmettre un écho venu du fond des âges. Mais comment cela est-il possible ? Dans le même communiqué, Mouncef Sedrati (enseignant-chercheur et directeur du Laboratoire Geo-Ocean à l’UBS), explique comment s’est opéré cette magie : «ces empreintes furent laissées sur le flanc marin d’une barre sableuse qui composait la partie haute de la plage il y a environ 100.000 ans. Ensuite, elles furent conservées rapidement, grâce à un recouvrement par des sédiments fins, lors d’une phase de faibles conditions de houle, conjuguée à une période de faible marnage de la marée». Le site de Larache vient donc de révéler son potentiel et devient «l’un des sites de traces du Pléistocène supérieur les plus grands et les mieux préservés au monde». La traque de nos ancêtres continue donc au Maroc où ils semblent avoir trouvé leur marque. Pas à pas, l’enquête continue…