Grand témoin de son époque, passeur entre deux mondes que tout oppose, auteur et penseur majeur dont l’influence ressurgit aujourd’hui encore, la figure de Hassan al-Wazzan, sa vie et son œuvre surtout, n’ont été revendiqués que sur le tard par le Maroc et toute la rive sud de la Méditerranée. Dommage. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire.
Mais qui était exactement al-Wazzan ? En bref : un touche-à-tout, mais génial ! Les historiens diront qu’il était avant tout géographe. C’est vrai. Mais sa géographie à lui n’était pas seulement topographique (et de haute tenue), elle a surtout été culturelle, sociologique, humaine. Parce qu’il a décrit les reliefs de la terre, et ceux des mentalités, des individus, plongeant dans la description la plus précise de leur quotidien.
Ce qui lui a permis d’être socio-anthropologue avant l’heure, c’est sa vie, c’est-à-dire son érudition combinée aux aléas de son temps. Né à Grenade, mais arrivé enfant à Fès où il fait sa «scolarité», il apprend très tôt la théologie et les mathématiques, entre autres. Repéré par le makhzen wattasside, qui gouverne alors le Maroc (ou ce qu’il en reste, le pays vivant une période de troubles qui finira avec l’éclatement de la dynastie), son esprit vif et alerte lui vaut de devenir diplomate et négociant, voire négociateur aussi.
Il y a un air de fin d’époque dans «La description d’Afrique», le seul livre qui nous soit parvenu de Hassan al-Wazzan. Un parfum crépusculaire règne sur cette œuvre majeure et d’une incroyable audace pour son époque. Le géographe-anthropologue décrit, peut-être inconsciemment, un monde qui disparaît et qui ne reviendra plus. C’est cela qui donne à son œuvre sa touche littéraire, voire philosophique.
Par Karim Boukhari
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