La récente visite du roi du Maroc Mohammed VI au président français François Hollande a mis un terme à la longue crise diplomatique entre les deux pays qui avait débuté en 2014, et s’est terminée, apparemment, en ce mois de février 2015.
L’histoire des relations entre le Maroc et la France, et souvent leur affermissement ou leur affaiblissement, est aussi longue que l’histoire elle-même. Sans aller jusqu’au sultan Moulay Ismaïl, qui avait des prétentions familiales chez les Bourbons de Louis XIV, il y a deux siècles, alors que l’Europe était engluée dans les guerres napoléoniennes, les relations entre l’Empire des Français et l’Empire chérifien gouverné par Moulay Slimane connurent quelques turbulences qui finirent moins bien que celles qui se sont apparemment apaisées après la visite de Mohammed VI à l’Elysée.
Dès le début du XIXème siècle, le Maroc intéressait la France. En 1802, Napoléon s’était intéressé à ce vaste empire qu’il aurait aimé voir remplacer l’Egypte, évacuée l’année d’avant face aux coups de butoir des Anglais. La position stratégique du pays des Alaouites, entre mer Méditerranée et océan Atlantique, et son contrôle d’une partie du détroit de Gibraltar faisaient du Maroc une pièce de choix dans un probable dispositif anti-britannique. Mais c’est seulement en 1808, après le traité de Bayonne qui ouvrait la porte à l’occupation du royaume d’Espagne, que l’Empire chérifien devint de fait un « Etat voisin » de l’Empire napoléonien. La perspective d’occuper la partie nord du Maroc et ses présides de Sebta et Melilla pour menacer ainsi le ravitaillement de Gibraltar était perçue comme une intéressante possibilité pour les Français, mais elle signifiait aussi ouvrir les hostilités contre les Marocains. Une autre guerre, une autre campagne. Mais, une autre alternative se présentait aux Français : faire alliance avec le sultan Moulay Slimane contre l’Anglais.
Mais voilà, l’Empire chérifien n’avait nullement envie de se défaire de sa neutralité dans la guerre qui opposait la France et la Grande Bretagne.
Le 16 mai 1808, Napoléon adressa une lettre à Joachim Murat, le commandant des 50 000 hommes de l’Armée d’Espagne, qui résidait alors à Madrid. « Vous trouverez ci-joint une lettre pour l’empereur du Maroc. Vous chargerez un officier du génie intelligent, qui prendra l’uniforme d’aide de camp, de se rendre à Ceuta et de là à Tanger, où il prendra mon consul, et de se rendre avec lui à Fès, où il remettra ma lettre en main propre au roi de Maroc. Il s’entendra avec mon consul pour faire toutes les démarches et tout ce qui est nécessaire pour déjouer l’influence des Anglais », écrivit Napoléon.
C’est le capitaine Burel qui fut choisi. Et le 27 mai, ce dernier débarquait à Tanger où il commença à prospecter le terrain et à observer les défenses de l’armée marocaine au cas où Napoléon déciderait d’occuper le pays. Reçu à Fès, une seule fois, par le sultan Moulay Slimane, puis par une autre fois par son frère Moulay Abdeslam, il ne put durant les deux ans qu’il resta au Maroc (surtout à Tanger), convaincre le souverain chérifien de rompre ses relations avec les Anglais. Le 27 février 1810, il s’embarqua pour l’Espagne où la guerre faisait rage et arriva un mois plus tard à Compiègne où il fut reçu par Napoléon.
Occupé par les guerres qu’il avait déclenchées dans toute l’Europe, l’empereur ne s’intéressa guère au rapport de Burel et oublia le Maroc.
Sage décision. Les Marocains ne lui portaient aucune sympathie. En 1813, après la défaite des Français en Espagne et la restauration sur le trône du roi Ferdinand VII, Moulay Slimane s’empressa de féliciter chaleureusement le souverain espagnol. Et après la première chute de Napoléon en 1814, Moulay Slimane adressa une lettre au consul anglais Green pour le féliciter pour la défaite de cet « ennemi universel ».
A partir de cette date, les relations entre les Marocains et les Anglais se raffermirent au détriment des relations avec la France.
Mais c’était, il est vrai, il y a deux siècles