Le règne de Moulay Hassan, dit Hassan 1er (1873 – 1894) a été décisif. Le sultan abattit ses dernières cartes pour tenter de préserver la souveraineté du royaume. Zamane revient sur cette transition qui est aussi celle, ô combien difficile, entre une tradition archaïque et une modernité attrayante mais porteuse de tous les dangers.
Face à un monde déjà bien avancé dans la modernité, le Maroc oppose une tradition pérenne ancrée dans les rouages d’une civilisation fière de son passé. Que faire de cette modernité qui frappe aux portes du Maroc ? Faut-il s’y adapter ou l’adopter dans son entièreté au risque d’aliéner son identité «arabo-musulmane» ? Cette aporie née au XIXème siècle est aujourd’hui encore lancinante dans la pensée islamique. Rien qu’à cela, on jauge l’insurmontable difficulté épistémologique et ontologique à laquelle Moulay Hassan est confronté. C’est un questionnement basique qui va faire le lit de la politique générale de Moulay Hassan. Et il n’est pas le seul dans dar al-islam. Mehmet-Ali d’Egypte ou Hamouda Pacha de Tunisie ont eu des préoccupations métaphysiques comparables. N’oublions pas que le Sultan est aussi amir al-mouminine, aux pouvoirs temporel et spirituel. Tout écart de pensée est une apostasie aux yeux des gardiens de la tradition doctrinale. C’est de surcroît le cas dans le Maghreb al-Aqsa plus que nulle part ailleurs. Tanger est à l’époque une capitale diplomatique et un port polyvalent. Mais les ports ne peuvent être fonctionnels qu’à condition d’être en relation avec des centres de production, de transformation et de consommation. Rappelons-nous que sous le règne de Moulay Hassan, les routes carrossables ne sont qu’un mirage occidental. Tout se fait à dos d’animaux. Les caravanes et leur cadence séculaire sont, au crépuscule du XIXème siècle, le seul moyen de relier centres de production et marchés. Elles dépendent des saisons et de la météorologie. Entre Tanger et Fès, le voyage dure une semaine en été ou au printemps, et un mois en hiver.
Par Farid Bahri
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