Jemaâ El Fna est le lieu le plus magique de toute l’Afrique du Nord. Sa célébrité tient du fait que c’est un haut lieu de production de joie de vivre. D’ailleurs, le second nom multiséculaire de Marrakech est bien «al-bahja».
Jemaâ El Fna, que certains traduisent par «place du néant», voire «de l’apocalypse», signifie plus simplement et moins dramatiquement la «mosquée en ruines» (jemaâ el fna). Alors que l’interprétation tragique du nom de la place donne encore plus de mystère et donc d’attrait pour les touristes et autres hommes et femmes de lettres qui fréquentent cet espace, les «praticiens de la place», plus pragmatiques, la surnomment Jemaâ rbah autrement dit «le lieu qui attire le succès et le gain». La place en tant qu’espace physique et commercial existe sans doute depuis les premiers siècles de la Marrakech almoravide, puis almohade. Mais nous n’avons pas de preuve historique, suffisamment étayée de sa fonction actuelle, que du milieu du XVIIe siècle. Et cela, grâce au grand historien Abou Ali Hassane Lyoussi. Celui-ci témoigne dans de son livre Al Mouhadarat : «Durant ma période d’apprentissage, j’ai séjourné à Marrakech en 1060 [1650 apr. J.-C.]. Un jour, j’ai visité la grande place [de la ville] pour entendre les louanges récitées à la gloire du Prophète. Je me suis mêlé à une foule nombreuse de badauds, organisée en cercle, venue écouter un homme âgé qui l’égayait de ses histoires drôles». Les autorités coloniales françaises ont tenté, sur un plan légal, de protéger la place des convoitises des commerçants, des promoteurs immobiliers dès le début des années 1920. Mais l’espace réservé aux représentations de grand air a irrémédiablement et progressivement diminué. L’un des derniers assauts des forces qu’on peut appeler «industrictives» est l’installation d’un fleuron de l’industrie touristique à quelques encablures des halqa.
Par Maâti Monjib
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