Depuis le XVIe siècle, l’histoire économique du Maroc est irrémédiablement liée à celle de l’Europe et du monde occidental, inventeurs du système capitaliste. Le paradoxe, c’est que ce choc civilisationnel, qui a déstabilisé les assises économiques du Maroc, a finalement accouché d’un acteur tout puissant : le Makhzen.
Un des grands historiens de l’économie du siècle passé qui enseignait à Genève, Paul Bairoch (1830-1899), avait repris la leçon de Marx : par la centralisation du capital, le capitalisme est fondé sur l’inégalité de développement et l’exploitation intensive du travail entre les différentes régions du monde. Pour ne pas se dire ouvertement marxiste, P. Bairoch n’insiste guère sur la dépossession des masses prolétaires et des classes ouvrières. Par contre, il montre que depuis le XVIIIe siècle, les rapports inégaux de développement se creusent avec le capitalisme industriel. « L’écart entre les pays colonisateurs et les pays colonisés était faible avant la colonisation », écrit-il (Révolution industrielle et sous-développement, Ed. Mouton, 1974). En effet, plus des trois-quarts des populations sur terre étaient encore rurales, paysannes ou agro-pastorales, vivant sous de faibles écarts de subsistance. Il existait cependant des pôles plus avancés : en expansion, celui de l’Atlantique (Europe de l’Ouest et Etats-Unis), et en suspens, celui d’Extrême-Orient, avec un Japon très féodalisé, et un continent « chinois » alors en perte de dynamisme. Japon et Chine échapperont à la colonisation systématique. Devenu puissance coloniale exploitant la Corée, le Japon prendra ainsi le dernier train de la croissance capitaliste au XIXe siècle.
Dossier coordonné par Mostafa Bouaziz
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