La récente tournée royale en Afrique de l’Est est censée ouvrir un nouveau chapitre dans les relations du Maroc avec cette région. Une tâche rendue ardue par les pages de l’Histoire, reflets d’un rapport compliqué depuis les indépendances.
Plus que les intérêts économiques ou le positionnement idéologique, la distance entre le Maroc et les pays d’Afrique de l’Est tient certainement de la différence culturelle. A l’époque de l’Afrique colonisée, le partage entre les grandes puissances européennes est le résultat d’un découpage géographique du continent. Le Maghreb et la région subsaharienne à l’Ouest reviennent à la France. L’autre grand ensemble, qui s’étend de l’Egypte à l’Afrique du Sud, est sous souveraineté britannique. Pour le reste, quelques territoires épars sont colonisés par des acteurs moindres comme l’Allemagne, l’Espagne, le Portugal ou la Belgique. Mais, globalement, deux grands blocs coloniaux se font face en Afrique. Le Maroc est l’un des centres névralgiques de la présence française dans le continent. A ce titre, la colonisation laisse un héritage culturel dont la francophonie demeure le dénominateur commun avec les autres entités d’Afrique de l’Ouest. En outre, l’Histoire qui lie la monarchie chérifienne aux régions subsahariennes remonte à plusieurs siècles avant la colonisation. Le commerce transsaharien et les campagnes successives des dynasties marocaines vers le sud du Sahara renforcent ces liens, durablement resserrés depuis les indépendances. Quant à l’Afrique de l’Est, à majorité anglophone, les différences culturelles viennent s’ajouter à la distance géographique pour expliquer en premier lieu leur peu d’accointances avec le Maroc. Mais le fossé s’est considérablement élargi pour des considérations politiques et diplomatiques.
A l’aube des indépendances, les idéologies se disputent l’Afrique. Sous l’impulsion du Maroc de Mohammed V, le groupe dit de Casablanca (1961) est partisan d’un mouvement des non-alignés, appuyé par des politiques nationalistes. L’est du continent opte pour sa part pour une approche plutôt fédéraliste. Les modèles divergent malgré les tentatives unionistes, comme la création de l’OUA (1963). Au cours de cette décennie, le royaume de Hassan II s’oriente vers le libéralisme, encouragé par les puissances du bloc de l’ouest. Les premières ruptures s’opèrent alors avec des pays anglophones à l’idéologie socialiste, tels que l’Angola, le Kenya, la Tanzanie ou encore le Ghana, alors soutenus par l’URSS. L’écart idéologique est secondé au milieu des années 1970 par la position diplomatique de ces pays sur la question du Sahara. Les alliés d’Alger et de Pretoria demeurent fidèles à leurs alignements et reconnaissent l’existence de la RASD. De fait, les intérêts économiques restent au point mort. HassanII, déçu, finit par quitter l’organisation africaine en 1984. L’avènement de Mohammed VI tend à renverser cette tendance en privilégiant l’approche pragmatique en faveur des intérêts diplomatiques, mais aussi économiques. Cette dernière tournée l’illustre parfaitement.